Si dès juin 1980, Francisque Collomb, maire de Lyon, prend publiquement position pour la construction de la mosquée, ce n’est que le 10 novembre 1983 que la commission générale du conseil municipal de Lyon étudie le dossier, en présence des principales autorités religieuses de la ville : Mgr Marc Clément, remplaçant le Cardinal Decourtray, le grand Rabbin Richard Wertenschlag, l’Imam de la mosquée de Genève Ibrahim Youssef et le pasteur Guy Wagner. Cette consultation est suivie, le 21.novembre, par le vote à l’unanimité du conseil municipal de Lyon en faveur de la construction d’une mosquée. Ce vote est assorti d’une promesse ferme quant à la délivrance d’un bail emphytéotique644 concernant un terrain appartenant à la ville de Lyon, sis Bd Pinel, et jusqu’à présent réservé à l’éventuelle extension des châteaux d’eau attenants.
L’intervention de Francisque Collomb, en introduction à la commission générale du conseil, indique que les Français musulmans sont choisis comme porteurs du projet de mosquée. Destinataires privilégiés, ils semblent particulièrement mériter cet honneur. En effet, plus que sur la mosquée, c’est sur le groupe destinataire que les discours insistent :
‘“Ce projet nous est présenté par des citoyens au sens fort du terme. Les membres de l’ACLIF n’appartiennent pas à la communauté nationale par le hasard de la naissance, mais par un choix délibéré en faveur de la France, que certains ont payé durement dans leur chair ou dans leur sang”645. ’Même antienne lors de la présentation du projet devant le conseil municipal :
‘“La Ville, quant à elle, est prête moralement et matériellement, à faire le geste qu’attendent nos concitoyens français de confession musulmane”646.’Emile Azoulay, rapporteur du projet insiste également sur cette dimension en conseillant aux personnes réticentes de “visiter entre autres, le cimetière de la Doua et dans l’immense étendue des tombes de nos soldats, de compter les stèles sous lesquelles reposent nos frères Français-Musulmans, morts au champ d’honneur, pour que vive la France”.
Seule, cette remarque d’E. Azoulay étendra la destination de la mosquée à l’ensemble de la population musulmane :
‘“Nous ne pouvons rester insensibles à ce monde islamique, en pleine évolution et présent au coeur même de notre ville, par l’enracinement d’une importante communauté française de confession musulmane et par l’intermédiaire d’immigrés encore plus nombreux souvent inscrits dans le processus économique de la Cité”.’Le contrôle du projet de mosquée n’est pas uniquement exercé par la nomination et la légitimation du groupe qui en aura la charge au sein des musulmans. Ce contrôle relatif semble également s’exercer, au premier abord par l’adjonction au projet de mosquée d’un centre culturel. Cependant, c’est surtout par l’intervention de la municipalité dans le choix des terrains susceptibles d’accueillir l’édifice que s’exerce les pressions.
Le bail emphytéotique signé entre la ville de Lyon et l’ACLIF est un bail qui confère à cette dernière un droit réel (y compris d’hypothèque) sur le terrain pendant une durée de 99 ans. A terme, le terrain ainsi que l’ensemble des constructions qui ont pu être réalisées dessus reviennent de droit à la ville de Lyon.
Commission générale du Conseil Municipal de Lyon, 10 novembre 1983.
Pour cette citation et les suivantes, Délibération du Conseil Municipal de Lyon, 21 novembre 1983, p. 134.