Le projet de construction d’une mosquée, qui pouvait sembler abandonné en 1988, est relancé avec l’intervention de Michel Noir à “l’Heure de vérité” sur Antenne 2, le 19 juin 1989. Suite à la question d’un téléspectateur655, Michel Noir déclare que “ce projet a été adopté voilà cinq ans par l’ensemble du conseil municipal. Nous avons décidé de l’appliquer. D’ici la fin juillet je signerai le permis de construire”.
Cet engagement crée la surprise. En effet, l’arrêt de toute démarche de l’ACLIF à partir de juillet 1987, alors même qu’elle disposait à cette date d’un bail en bonne et due forme ainsi que d’un permis de construire valide, pouvait laisser penser à un retrait définitif du projet. Retrait également confirmé par le fait, selon Kamel Kabtane, qu’avant l’annonce de Michel Noir, aucun contact n’a été pris entre l’ACLIF et la mairie, la première ne sachant rien des intentions de la seconde. Retrait confirmé encore par l’absence totale d’un projet de mosquée dans les programmes des candidats à l’élection municipale de Lyon. Retrait considéré comme définitif enfin par l’Association de protection des habitants du 8ème dont la surprise, à l’annonce de la reprise du projet, semble totale.
Cet engagement inaugure une nouvelle phase pour le projet : la mobilisation de l’ensemble de la communauté musulmane, en place des seuls Français musulmans, et le renouvellement de l’argumentaire mis en place pour la défense du projet, en marquent les principaux axes. C’est ainsi qu’Alain Battegay et Ahmed Boubeker interprètent les propos tenus par Alain Jakubowicz lors de sa conférence de presse du 21 juin 1989 :
‘“«il faut impérativement que Lyon ait sa mosquéeCette nouvelle dimension donnée au projet de mosquée, Colette Granet l’interprète également comme le signe de la rupture avec “la logique de l’ingérence de la puissance publique dans les «affaires» qui concernent les populations algériennes” au profit de l’idée selon laquelle “les populations musulmanes dans leur ensemble sont jugées aptes à développer une organisation interne à leur groupe”657. Elle peut ainsi poser que :
‘“l’idée d’édifier un monument-symbole pour les musulmans de leur ville rompt avec la définition d’un statut de l’Algérien, de l’immigré, du musulman ou du maghrébin qui le cantonne au rang du migrant qui vient d’arriver et pour lequel il s’agit de redéfinir les conditions de sa visibilité. En lui conférant les attributs d’un espace accessible à tous, capable de mélanger les références et les activités, en faisant référence à cet édifice en tant que représentation symbolique d’une culture, ces deux maires [M. Noir à Lyon et R. Vigouroux à Marseille] entament, du moins peut-on le supposer, un processus visant à la reconnaissance de la longue présence de ces populations sur le sol du territoire national”658.’Cette supposition n’est pas sans fondements au regard de la nouvelle définition du projet promue par la municipalité lyonnaise et en particulier par son nouveau maire Michel Noir, ni au regard de l’indépendance acquise par l’ACLIF. Cependant, un certain nombre de contraintes continuent de peser sur ce dossier le rappelant toujours vers sa définition initiale.
Kamel Kabtane aujourd’hui directeur de la mosquée de Lyon, vice-président de l’ACLIF et membre influent de la SCI permettant de gérer l’édifice s’attribue la paternité du coup de fil et partant de la relance de le construction de la mosquée.
A. Battegay et A. Boubeker, L’immigration dans les espaces publics - Les campagnes médiatiques comme lieux de l’action, Rapport de recherche, Association de Recherche, d’Interventions et d’Etudes Sociologiques et Ethnologiques (ARIESE), Université Lyon 2, 1992, p. 137-138.
Id. Ibid., p. 129.
Id. Ibid., p. 129-130.