Une nouvelle opposition

Si l’opposition politique avait été particulièrement feutrée lors du premier projet de mosquée, elle est au contraire très active lors de la réemergence de ce dernier. Elle se saisit ainsi, et construit, à partir de l’été 1989, l’édification d’une mosquée comme thème principal de la lutte contre Michel Noir.

Le Front National intervient d’abord début septembre 1989 lors de la réunion locale du Comité de coordination688. Denis de Bouteiller, secrétaire départemental du Front National, s’exprime dans une tribune libre accordée par le Figaro. Le FN se livre à la rédaction d’une brochure de 10 pages intitulées “Le livre Noir de la mosquée” ; organise une manifestation689 accueillant les ténors du mouvement690.

De même, le Centre National des Indépendants et Paysans du Rhône, répondant à ce qu’il prétend être la préoccupation majeure des riverains - la demande d’un référendum local -, publie à 230.000 exemplaires, le 19 octobre, un tract-formulaire à renvoyer à son siège. Sorte de “sondage” portant sur la nécessité d’un référendum quant au lieu de construction de la mosquée, il est distribué sur Lyon et Bron et recueille au 31 octobre 5.000 réponses dont 4675 “oui” ! Hormis cette initiative, le CNI entend “user de ce qui est inscrit dans la loi : le droit de pétition :«“Nous allons commencer une campagne avec pour objectif de recueillir 10.000 signatures»”691.

Lyon-Figaro publie le 20 octobre un sondage faisant le point sur “l’opinion” des Lyonnais sur la mosquée. Il en ressort globalement que les Lyonnais ne sont pas hostiles à la construction d’une mosquée ni dans leur ville (72%) ni dans leur quartier (55%). D’autre part, à la question “Souhaitez-vous l’organisation d’un référendum auprès des Lyonnais sur le thème de la construction de la mosquée de Lyon ?”, près des trois quarts des personnes répondent positivement692. Lyon-Figaro apporte aussi sa contribution en convoquant un juriste susceptible de départager les pro- des anti-référendum. Ce dernier précise que “rien n’interdit à un maire de consulter la population de sa ville sur un problème local. Il n’existe aucune réglementation dans ce domaine, mais la consultation est sans valeur juridique /.../. Le résultat ne le liera pas juridiquement mais l’engagera politiquement”693.

Au terme de ce parcours, il convient de récapituler les différentes phases animant le projet de construction de la grande mosquée de Lyon.

C’est la déclaration de Michel Noir en 1989 qui relance l’idée de la construction d’un tel édifice. Ce projet, déjà largement travaillé dans les années 1980 est porté par l’association musulmane maître d’oeuvre, l’ACLIF, et soutenu par la municipalité lyonnaise. La contestation de cet édifice vient simultanément des associations de protection des habitants et comités d’intérêts locaux et des partis politiques. Le débat est, dès 1989, très ouvert et de nombreux acteurs seront amenés à se prononcer, tant au niveau local qu’au niveau national. Dans cette configuration, les arguments publiquement proposés sont particulièrement divers et importants.

Dans un deuxième temps, les difficultés auxquelles l’ACLIF est confrontée tant pour faire reconnaître sa légitimité auprès des musulmans que pour réunir les fonds nécessaire à la construction de cet édifice conduisent à mettre le projet en veilleuse. A partir de 1990, des projets concurrents sont présentés et la perspective d’une construction semble s’éloigner.

En 1992, le projet est relancé grâce à des perspectives de financement nouvelles. L’opposition au projet se mobilise à nouveau. Cette opposition est cependant moins dirigée contre Michel Noir qui marque ses distances avec le projet que contre les promoteurs de la mosquée. La mosquée sera en définitive inaugurée en septembre 1994 par Charles Pasqua,ministre de l’Intérieur.

Notes
688.

Maurice Depierre, conseiller Front National, profite de la tribune qui lui est donné pour s’adresser aux riverains dans ces termes : “Vous ne voulez pas être assimilés à un parti. Pourtant le seul auquel on peut vous associer quand il faut défendre l’identité nationale, c’est le Front National”. Cf. Le Monde, 7 septembre 1989.

689.

Cette dernière se déroule entre la Place des Jacobins - sur laquelle J.-M. Le Pen prononce son discours - et la place des Terreaux et réuni entre 3.000 et 10.000 manifestants. Les slogans les plus scandés seront les suivants : “La France aux Français”, “Le Tchador au vestiaire”, “Les arabes y’en a marre”, “Ni chel Noir, ni mosquée”, “Michel Noir à Alger”, “Michel Noir au placard”, “Michel Noir trahison”, “Le Mecque Noir est un juda”. Id. Ibid.

690.

J.-M. Le Pen, mais aussi M.-F. Stirbois, B. Mégret, B. Gollnish, M. Lehideux seront présents. Cf. Le Monde, 25 novembre 1989.

691.

Le Monde, 25 novembre 1989.

692.

Le Figaro, en conclusion de ce sondage indique ainsi : “C’est bien parce qu’ils sont attachés à la liberté de culte que les Lyonnais sont globalement favorables au projet de mosquée, c’est parce qu’ils sont tout aussi attachés à la consultation démocratique qu’ils souhaitent également un référendum sur ce sujet. Le projet de la mosquée, sera incontestablement dans les semaines et les mois à venir au coeur de nombre de conversations, de campagnes ou de polémiques. Le sondage Lyon Figaro-ARSH aura le mérite d’apporter les premiers renseignements chiffrés objectifs sur le sujet, dans la corbeille du débat”.

693.

Lyon-Figaro, 25 octobre 1989.