INTRODUCTION

‘“ En premier lieu, à la Libération, le climat de Vichy survivait : l’administration , les juges et le nouveau pouvoir en place, par peur des maquis communistes et FTP, retrouvaient leur tour de main traditionnel ”.

Marc FERRO, in Travail de mémoire, 1914-1998,
Collection Mémoires, Ed. Autrement, 1999, p. 52. ’

Le titre de ce travail de recherche porte en lui-même à la fois l’indécision et la provocation, au moins au plan de l’apparence des choses et des mots.

L’indécision semble incluse dans l’usage de l’article indéfini “ des ”, utilisé pour désigner la catégorie de résistants dont il sera ici question. Cette indécision, délibérée, indique que l’étude ne portera pas sur l’ensemble des résistants de la région au cours de la séquence allant de septembre 1944 à 1953, ce qui constituerait de toute façon un travail d’une ampleur telle qu’il ne pourrait être que le fait d’une équipe de chercheurs. Le critère discriminant permettant de passer de la catégorie “ les résistants de Bourgogne ” à celle “ des résistants de Bourgogne ”, au sens de “ certains résistants ”, est celui des difficultés rencontrées par ces derniers, dans la période qui a suivi la Libération, difficultés d’ordres divers mais qui firent de tous des hommes ou des femmes en échec, face aux réalités rétablies d’une France pacifiée.

La provocation, ou pour le moins le paradoxe, réside précisément dans l’idée de difficultés, de défaite politique pour une catégorie de gens que le rituel commémoratif, les mythes constitués autour de l’engagement résistant, comme la grandeur réelle de celui-ci, tendent plutôt à ériger en vainqueurs héroïques, figure fort éloignée de celle de vaincus de la période suivante.

Or il s’agira bien, tout au long de cette recherche, de débusquer en quoi, comment, au sein de quels processus politiques, des hommes sortis du combat libérateur auréolés de cette victoire, se retrouvèrent en situation d’échec politique, écrasés par les forces de restauration, comment certains d’entre eux furent pris dans une machinerie judiciaire impitoyable, tout en se demandant comment cela se traduisit pour être supportable dans la construction mémorielle de la Résistance.

Le cadre territorial, celui de la Bourgogne et de ses quatre départements, s’il n’a pas alors la cohésion que la construction régionale a constitué, présente néanmoins une certaine homogénéité. C’est le cadre d’action du commissaire de la République, c’est l’espace où se déroulent des combats décisifs de fin août à la mi-septembre 1944, enfin c’est le ressort de la Cour d’Appel de Dijon.