UNE PROBLEMATIQUE PERTINENTE ?

Ainsi posée et insérée dans un champ temporel nettement balisé, une telle problématique se heurte d’emblée à une première difficulté, celle de sa pertinence. Cette difficulté a été fermement formulée par Jean-Pierre RIOUX dans la conclusion de son étude sur la IVe République 3 . Il y pose la question ‘“ Faudrait-il donc ici entonner le lamento banal sur l’échec de la Résistance ?”’. Pour lui, ‘“ seuls peuvent tenir ce langage ceux qui mettent dans la Résistance plus qu’elle ne pouvait contenir ”’, récusant ainsi les “ illusions ” de certains.

Une telle formulation, énoncée en conclusion d’une étude portant sur la période préalablement délimitée, semble immédiatement réduire à néant la pertinence donc l’objet de cette thèse.

Néanmoins ce point de vue est moins fermé qu’il ne le paraît et offre une possibilité d’échapper à l’impossibilité d’esquiver le “ lamento banal ”. Le propos de Jean-Pierre RIOUX porte sur “ la Résistance ”. Or la thèse formulée par le titre de ce travail est sous-tendue par le constat que “ la Résistance ”, si elle fut un puissant point de référence, attractif ou répulsif selon les choix des uns et des autres aux temps de l’occupation, si elle constitua le centre d’une construction mémorielle au cours de la période suivante, ne saurait désigner autre chose qu’un puissant mouvement patriotique et antifasciste. Ce qui, au moment où la contradiction principale se nouait contre l’occupant, suffisait largement pour constituer une cohésion, s’en révélait incapable dès lors que la Libération la résolvait. Cette contradiction s’effaçait de ce fait devant celles qui portaient sur les contours de la France nouvelle à reconstruire. Désormais propulsées au premiers plans, ces contradictions révélaient une réalité crue : s’il y avait bien eu des résistants, si ceux-ci désormais étaient porteurs de projets, de rêves, d’illusions peut-être, par contre la Résistance comme force cohérente avait cessé d’exister, son objectif unificateur étant atteint. Face aux enjeux nouveaux, ce n’est donc pas d’une Résistance qu’il faut parler, mais au sein de processus politiques complexes, de résistants.

Parmi ces résistants - il sera loisible de le montrer au cours de ce travail -, se trouvent précisément des hommes et des femmes qui mettent “ dans la Résistance plus qu’elle ne pouvait le contenir ”.

Cette observation se décline alors en deux questions.

A condition de ne pas tomber dans un “ lamento banal ” à juste raison mis en cause par Jean-Pierre RIOUX, il est donc possible, en répondant à ces questions, d’apporter un éclairage particulier sur la France des années 1944-1953 et de restituer l’histoire d’une partie de ceux qui furent du combat résistant.

Notes
3.

J.P. RIOUX, La France de la Quatrième République, t.1, Points Seuil Histoire, 1980, p. 262.