Dans ce contexte de désorganisation économique et de conditions climatiques difficiles, la vie quotidienne est marquée pour une majorité de la population par une foule de problèmes, des plus banals aux plus vitaux.
En avril 1945, le syndicat des cordonniers de Saône-et-Loire décide d’appeler ses adhérents de cesser d’assurer le ressemelage des chaussures, ‘“ faute de livraison de plaques de cuir et de caoutchouc ”’ ‘ 3 ’. S’il ne s’agit que d’un aspect apparemment mineur, il n’en contribue pas moins à exaspérer ceux qui croyaient que la fin du conflit et des réquisitions de l’occupant permettraient de retrouver rapidement les conditions de vie d’avant la guerre.
Si les dégâts subis par les infrastructures contribuent à compliquer la vie économique, il en est de même pour les moyens de transport. Très prosaïquement la pénurie de bicyclettes et de pneus pèse lourd, comme en témoignent deux sources : les procès en première instance où le vol de ces biens vient parmi les causes les plus fréquemment jugées et la chronique des interventions des élus locaux, parlementaires ou conseillers généraux, auprès des autorités préfectorales.
Ainsi, le 30 septembre 1946, François MERCIER, député communiste, s’adresse 4 au préfet de Saône-et-Loire pour demander un bon d’achat d’une bicyclette au profit d’un père de famille de 5 enfants, résidant à Chalon-sur-Saône, sinistré à 100%, qui en plus de son travail, dispose d’un jardin potager à Saint-Rémy, commune distante de quelques kilomètres. A cette demande, le préfet répond le 17 octobre que ‘“ la faiblesse des contingents mis à (sa) disposition par le ministre de la production industrielle ne (lui) permet de satisfaire que les demandes rentrant dans les cas prioritaires (corps médical, sages-femmes, infirmières, bâtiment et presse) ainsi qu’une faible partie de celles formulées par des personnes utilisant une bicyclette pour se rendre de leur domicile à leur lieu de travail ”’. Le cas motivant l’intervention du parlementaire n’entre dans aucune de ces catégories, aussi la demande est repoussée.
Dans le même ordre de préoccupations, le 26 juin 1946, le conseiller général de Dezize-les-Maranges demande au préfet 3 du même département un bon d’achat d’une bicyclette pour une jeune fille de Saint-Emiland qui est élève à l’école Pigier du Creusot, à 17 kilomètres de son domicile. Considérant qu’elle doit effectuer ce trajet trois fois par semaine, soit environ 100 km, l’élu estime le cas prioritaire. Le 18 juillet, le préfet lui répond qu’il ne peut que l’assurer d’examiner le cas lors de la répartition du contingent du troisième trimestre, sans le moindre engagement sur le résultat.
Ces difficultés avaient d’ailleurs, le 26 septembre 1946, suscité de la part du député MERCIER 4 une intervention irritée où il s’indignait que “ des bons de pneus et de chambres à air ” ne soient même pas honorés, alors qu’ils étaient disponibles “ facilement et sans bons ” au marché noir. La réponse préfectorale du 16 octobre relève de l’aveu d’impuissance puisqu’elle indique que le préfet a décidé des “ mesures pour mettre en place, chaque mois, des quantités de pneus correspondant aux bons alloués ” par le ministère de la production industrielle, ‘“ mais que les contingents mis à (sa) disposition chaque trimestre ne (lui) ont permis de satisfaire qu’une faible partie des demandes dont (il a) été saisi ”’ ‘ 1 ’ ‘.’
Les services à la population ne sont pas épargnés. Dans son rapport au CDL de l’Yonne du 25 octobre 1945 2 , la commission de solidarité de ce comité fait état, à l’hôpital d’Auxerre, de “ manque de linge, de couches pour bébés, de couvertures ”, de l’“ état répugnant de la literie des enfants ”, d’insuffisance de la nourriture. Elle s’indigne qu’à cette époque de l’année aucun local de l’hôpital ne soit chauffé. Dans un tout autre ordre d’idée, le député-maire de Montceau-les Mines, Fernand MAZUEZ, sollicite auprès des services préfectoraux, le 29 novembre 1946, un bon lui attribuant quatre pneus pour les camions de la voirie chargés de l’évacuation des cendres (les milliers de familles de mineurs se chauffent exclusivement avec ce combustible fourni par les Houillères). La réponse du 27 décembre ne lui donne que partiellement satisfaction 3 .
AD 71 W128563.
AD 71 W720.
Idem.
Ibidem
AD 71 W720.
AD 89 1W324.
AD 71 W720.