CHAPITRE 2 : MULTICIPLICITE DES POUVOIRS, UNE TRANSITION POLITIQUE QUI S’ANNONCE DIFFICILE

Au cours de la période libératrice comme dans les premières semaines qui suivent, la question de la nature et de l’exercice du pouvoir se pose en des termes identiques au reste du pays, tout en présentant certaines singularités. Les maquis, en particulier dans la Nièvre et la Saône-et-Loire, y furent suffisamment puissants pour mener de véritables batailles contre l’occupant. Ils donnèrent de ce fait aux mouvements et partis qui les contrôlaient un poids politique décisif dès lors qu’il s’agissait, en interlocution avec les autorités d’Alger puis de Paris, de préparer la transition, ses structures et ses hommes. Au-delà, la Bourgogne occupe dans ce qui est le champ de bataille, du 6 juin au jour où le Rhin fut franchi, une place particulière. Sa position géographique, au Centre-Est du pays, la place au carrefour de l’axe majeur venu de la Méditerranée par le couloir Rhône-Saône, de l’axe menant au Bassin parisien et aux Iles britanniques et de celui qui dirige vers le Rhin et l’Allemagne rhénane. C’est d’ailleurs la configuration des grandes voies romaines qui menaient du monde méditerranéen à la Bretagne et à la Germanie. De ce fait, c’est par ses marges méridionales, en pays mâconnais, que les premières troupes de l’Armée B, débarquées quelques vingt jours plus tôt en Provence, entrèrent en territoire bourguignon. C’est par le Nord-Ouest, que pénétrèrent dans l’Yonne et la Nièvre, depuis la Haute-Marne, les unités alliées dont la 2ème DB de LECLERC, flanc garde méridional de la 3e Armée US de PATTON, qui elle-même constituait l’aile droite du dispositif arrivant de Normandie. Ces unités formaient ainsi la seconde pièce d’une mâchoire qui se refermait, par sa jonction avec des troupes de la 1ère DFL arrivant du Sud, le 12 septembre 1944, à Nod-sur-Seine près de Châtillon-sur-Seine. S’ajoutaient à ces dernières les éléments FFI appartenant soit à la “ colonne Schneider ”, nom familier du Groupement mobile du Sud-Ouest soit à des maquis du Sud-Est, arrivés par le Sud dans le fourgons de l’Armée B. Bien que les dernières troupes allemandes l’aient quittée à la mi-septembre, la Bourgogne restait pour sa partie septentrionale considérée comme faisant partie du champ de bataille tant que celle-ci se déroulait en Franche-Comté voisine, durant les difficiles épisodes de l’automne et du début de l’hiver 1944. De ce fait, les autorités militaires, y compris alliées, prétendaient y exercer une partie de l’autorité. Ceci n’était pas sans complexifier la question des pouvoirs.

Celle-ci se pose principalement sous trois aspects : celui de la nature des structures, héritées ou nouvelles et de leurs relations, celui du rétablissement de l’ordre, avec le problème particulier d’une véritable vague d’attentats, enfin celui du problème d’interprétation posé par l’existence, le rôle et l’importance des Milices patriotiques et de leurs succédanés. Ces trois dimensions fournissent des éléments d’analyse à propos de la nature de la transition politique et de la politique du PCF, aujourd’hui encore objet de débat entre les tenants de la thèse du loyalisme du PCF et de son ralliement au parlementarisme et ceux qui, à l’instar de Philippe BUTON, soutiennent qu’il a cherché à accéder au pouvoir.