2-Des actions limitées

Les interventions qui donnent lieu soit à des rapports d’archives, soit à des articles de presse ne sortent des habituels contrôles routiers que lorsqu’ils provoquent des incidents ou qu’ils débordent du cadre initialement fixé.

A Auxerre, le 3 novembre 1944 1 les Milices patriotiques émettent l’idée de se voir confier la garde de la caserne Gouré, transformée en centre de détention où sont regroupées les internés destinés à passer en commission de criblage. Le service des RG qui transmet l’information au préfet souligne que trois officiers communistes sont à leur tête, détail qui contribue à expliquer qu’aucune suite ne fut donnée à la demande.

Elles interviennent aussi dans le domaine de la lutte contre le marché noir, objectif à l’origine de leur formation, mais en s’attribuant des pouvoirs réservés habituellement aux forces de polices. Le CDL de Saône-et-Loire 2 est informé le 18 janvier 1945 que la GCR de Mâcon a dressé procès-verbal à Varennes-les-Mâcon pour abattage clandestin. Banal en soi, le fait est néanmoins révélateur du prolongement de fait d’exercices au grand jour de pouvoirs de police par des structures théoriquement dissoutes. Il en est de même à Joigny où le 12 mars 1945 un gardien de la paix est contrôlé par un barrage de 4 hommes se réclamant des MP, armés de revolvers et se justifiant par les exigences de “ la défense du territoire ”.

L’action des Milices patriotiques ou de certains de leurs membres recoupe à l’occasion les circonstances liées aux attentats. C’est le cas à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire) où lors de la nuit de Noël 1944 le chef de la Milice patriotique de la ville, M.J., employé SNCF est surpris par une patrouille venant de surveiller le pipeline de l’armée américaine qui alimente les armées, alors qu’il vient de poser une bombe au plastic devant une épicerie dont il suspecte le propriétaire d’avoir collaboré avec l’occupant 3 . Son arrestation permet de découvrir à son domicile de nombreuses armes. Il est néanmoins acquitté par la Cour d’Assises de Chalon-sur-Saône le 4 juillet 1945. Son profil de “ bon ouvrier ”, de “ digne père de 6 enfants ” 4 , “ la misère noire ” dans laquelle sa famille est plongée depuis son arrestation, provoquant la mort de l’un de ses enfants, ont manifestement ému le jury.

Tout cela, auquel pourraient être ajoutées des actions économiques menées en collaboration avec des comités de libération, ne représente tout de même pas grand chose et certainement pas les éléments constitutifs de la préparation d’on ne sait quelle entreprise subversive, mais plutôt le résultat confus du prolongement des situations de la Libération, mêlées aux angoisses collectives, à la volonté majoritaire de combattre le marché noir. Ceci est d’autant plus vrai qu’il apparaît que la qualité de ces forces supplétives fut plutôt médiocre.

Notes
1.

AD89 1W26.

2.

AD71 dossier CDL.

3.

Courrier de Saône-et-Loire, 26 décembre 1944.

4.

Il est notable que les attendus des procès de l’époque, du tribunal correctionnel aux Assises, font fréquemment référence à la situation familiale de la personne jugée. Le nombre d’enfants est alors manifestement un élément appréciatif.