A plusieurs reprises, des résistants ou des officiers des forces de l’ordre émettent des doutes sur la qualité et la légitimité de membres des Milices. Lorsque le Commissaire de la République MAIREY 1 transmet le 20 octobre 1944, des “ directives générales ” aux préfets de Bourgogne, il y inclut, après s’être plaint d’exactions multiples d’organisations incontrôlées, la consigne d’amalgamer les forces issues des FFI et les Milices patriotiques aux “ forces de police régulières ”, en constituant des “ équipes mixtes ”. Le 10 novembre 1944, le commandant de la section de gendarmerie du Creusot transmet 2 au sous-préfet d’Autun des informations concernant la milice patriotique de Saint-Bérain-sous-Sanvignes, village du bassin industriel. Composée d’une “ dizaine d’hommes ”, commandée par un “ chef mineur ”, elle compte dans ses rangs “ trois condamnés de droit commun et un nomade en résidence surveillée ”. Dans l’Yonne, les RG dans un rapport mensuel portant sur le mois de novembre 1944 3 , analysent les tenants et aboutissants de l’arrestation de l’inspecteur d’Académie par des “ gardes patriotiques ”, les capitaines T. et V. Il est suspecté d’avoir soutenu la politique de Vichy. Le préfet, informé des circonstances, fait libérer le fonctionnaire et arrêter les deux justiciers. Le rapport note que les “ milieux de la Résistance ” ont déclaré être “ surpris de voir T. et V. dans une organisation de la Résistance ” alors qu’ils n’avaient “ pas connaissance de leur activité dans ce sens pendant la clandestinité ”. Le 10 décembre, c’est le président du CDL de la Nièvre qui, en assemblée plénière, appelle 4 à la prudence au sujet des GCR, craignant “ l’intrusion d’éléments dangereux pour la vie nationale ”. Enfin, en forme d’aveu d’échec, c’est le représentant du PCF au CDL de la Nièvre, LIMOGE qui propose lui-même d’appeler à “ la dissolution des GCR ” avec remise des armes, ému qu’il est par “ l’admission au sein des GCR d’éléments ex-vichystes ”. Il est soucieux “ d’éviter l’action d’éléments dangereux sous couvert d’une organisation semi-officielle ”. La volonté d’appliquer la dissolution pourrait n’être au bout du compte que la stricte application de la ligne officielle ramassée dans la formule “ une armée, une police… ”, si le cadre communiste n’avait pas fait référence à la nature du recrutement de ces organisations. Cette appréciation converge d’ailleurs avec le témoignage de Robert LOFFROY chef départemental des Milices de l’Yonne, étonné par l’arrivée dans leurs rangs d’éléments parfaitement inconnus de lui-même, sans le moindre passé résistant et de plus de médiocre qualité morale et politique 1 .
Donc, si les structures mises en place dès avant la Libération par le PCF sont composées de militants confirmés, il apparaît bien que l’essentiel des troupes des MP, GCR ou polices supplétives a été constitué de résistants de la dernière heure, sinon de la dernière minute, en mal de rachat ou de dissimulation d’un passé peu glorieux ou même franchement douteux.
Ces dimensions confuses, incertaines se retrouvent dans la disparition même de ces organisations.
AD21 W21341.
AD71 W123855.
AD89 1W26.
AD58 999W1627.
Robert LOFFROY, entretien du 18 décembre 1996.