2-2- Une carrière “ brillante ”

Néanmoins, et alors qu’il semble qu’aucun document officiel ne le confirme, il apparaît bien que cette nomination soit officialisée puisque dès la libération de Mâcon, le 4 septembre, ALAIN installe son PC à l’hôtel des Champs Elysées, abandonné quelques jours plus tôt par l’Etat-Major de liaison 893 du colonel BRÜCKNER 2 . Quinze jours plus tard, il est nommé commandant de la subdivision, ce jusqu’en décembre 1945. N’étant alors que porteur d’un pseudonyme seyant bien à un ancien chef de réseau, ALAIN fait officialiser le 15 octobre 1944 cette identité, parée de données flatteuses (annexe n°3). Que la subdivision militaire ait à sa tête un bel officier de 30 ans, titulaire de deux doctorats, droit et lettres, excipiant de fonctions de lieutenant-colonel dans l’ORA, décoré de la Croix de guerre avec trois citations, affichant ses liens avec une représentante de la petite noblesse rurale de la région, avait de quoi rassurer ceux qui considéraient que désormais il était de première urgence de tourner la page de la séquence précédente. Ses mérites lui valent en 1946 une série de médailles : Légion d’Honneur, Croix de Guerre avec palmes et Médaille de la Résistance.

Son commandement s’achève en décembre 1945, avec sa démobilisation. Les années suivantes le voient assurer des “ missions ”, en Allemagne et en Italie sur lesquelles nous reviendrons. Ceci ne clôt pas sa carrière militaire puisque le 21 mars 1949, il est nommé par décision ministérielle président de la Commission d’Homologation FFI de la 7e Région militaire, fonction qu’il assuma jusqu’en novembre 1953. C’est au cours de cette période, en 1951, qu’il se marie le 12 novembre à la mairie de Montceau-les-Mines, sous une nouvelle identité (annexe n°4), devant le député-maire SFIO de la ville, le docteur MAZUEZ, avec pour témoin Jean BOUHEY et Laurent BAZOT. Le premier, député de Côte d’Or, élu un première fois en 1936, fit partie des rares députés qui s’étaient élevés contre les Accords de Munich. Nommé commissaire de la République de Bourgogne-Franche-Comté à la Libération, il est réélu député de son département en 1946, toujours sous l’étiquette socialiste. Le second, Laurent BAZOT, est l’ancien commandant du 4e bataillon de choc issu des maquis du Clunysois. Le mariage religieux est célébré à Mazille, commune où ALAIN réside au château “ Charly ” de Mlle de la MOUSSAYE, par l’abbé GUIMET. Celui-ci avait été nommé fin août 1944 “ aumônier du maquis ” par l’évêque d’Autun, monseigneur LEBRUN, sur demande d’ALAIN qui estimait que cette fonction manquait aux FFI.

Ainsi, sans que l’on sache alors trop d’où il vient et qui il fut, le personnage ALAIN assume des fonctions importantes. Il ne cherche jamais à adopter un profil modeste, n’hésite pas à aller faire une tournée des popotes au 4e Choc en Allemagne avec force apparat 1 , noue des liens d’influence de haut niveau. Or il apparaît clairement que le personnage est un imposteur, un escroc, probablement mythomane, peut-être même un agent double.

Notes
2.

Marcel VITTE, 1944 à Mâcon, Comité du cinquantenaire de la Libération, Mâcon, 1994, p.36.

1.

Victor LOIZILLON, alors jeune capitaine du bataillon, entretien, 11 août 1999.