4-Un ressort majeur : l’anticommunisme

Deux faits permettent d’avancer sur cette piste. Le premier touche aux liens établis dès son arrivée entre les deux dispositifs OCM et BOA. Membre de l’OCM , COURVOISIER est celui par lequel le BOA de la Nièvre est exclusivement lié à cette organisation. Cela n’allait pas de soi puisque les rapports de force locaux faisaient, et de loin, de Libération-Nord le premier mouvement de résistance, donc le plus à même de mettre en place un dispositif de terrains et d’équipes de parachutages. Celui qui deviendra NAPO empêcha cela et fit tout pour maintenir le BOA sous la soumission à l’OCM. Gît là d’ailleurs la source de la rupture avec son chef PICHARD lorsque son développement lui permettant de voler de ses propres ailes, se posa la question de l’autonomie du BOA par rapport à l’OCM. Hostile à cette évolution, NAPO se heurta à PICHARD lorsque celui-ci désigna comme responsable des équipes de parachutages Marcel BARON-MARQUIS, en juillet 1943, ce qui suscita une violente altercation de ce dernier avec NAPO 1 . Celui-ci alla alors jusqu’à tenter de susciter la formation d’une autre structure de direction du BOA. PICHARD dut en appeler à la direction de l’OCM pour régler la question. Que NAPO soit alors allé au-delà de ce qui lui était assigné, mû par son ambition, ne fait guère de doute. Cela n’empêche que jusque là il fut l’exécuteur de la politique de ceux qui l’avaient envoyé et promu dans un département où l’esquisse d’une unification de la résistance non communiste avec le FN et les FTP commençait à prendre forme.

L’autre occurrence soulevant des questions concernant la nature des arrières politiques de COURVOISIER est constituée par les circonstances étranges de la libération de Nevers. La mise en vis-à-vis des deux récits dont nous disposons, celui de NAPO de 1951, déjà cité et celui de P. DEMONGEOT, édité en 1975 par l’Amicale des Anciens FTPF du groupement Cher et Nièvre permet de reconstituer les événements et identifier ceux qui instaurèrent le groupe NAPO en acteur privilégié, au détriment des forces organisées et commandées par l’EM départemental FFI. Il s’agit du capitaine de gendarmerie MAIGRET-COLLET, commandant les forces de gendarmerie de Nevers et du capitaine BALLAND, officier de liaison du maquis, représentant à Nevers l’EM départemental. Il est établi que c’est le second qui transmit à NAPO l’appel du premier à entrer dans Nevers pour y assurer un ordre qui dans les faits passa par le désarmement des FFI et Milices patriotiques présents dans la ville. Cette initiative fut prolongée par une réunion des trois hommes, dans la journée du 7 septembre. Elle déboucha sur un accord faisant du bataillon NAPO l’auxiliaire exclusif de la police et de la gendarmerie pour tenir la ville. Les deux officiers menant une manœuvre tortueuse demandent au même moment à une délégation constituée par Roland CHAMPENIER, Denys de CHAMPEAUX et Paul MATRIOLET d’attendre leur ordre pour faire entrer leurs forces dans la ville. Cette manœuvre ayant été éventée, l’EM départemental décida alors de réaliser la “ seconde ” libération de la ville et l’éloignement de NAPO. L’ordre naturel des choses reprenait alors son cours. Reste à identifier les motivations d’un homme comme le capitaine BALLAND, désigné par les chefs départementaux pour commander la place de Nevers et qui se livre à de tortueuses manœuvres ouvertement dirigées non seulement contre les Milices patriotiques mais aussi contre l’ensemble des forces politiques et militaires regroupées dans le CDL et l’EM FFI. Le fait que les Milices patriotiques et les maquis FTP aient été les premières cibles de ces manœuvres viennent à l’appui de la thèse du mobile anticommuniste de celles-ci. La conviction que les autres composantes étaient des otages impuissants du PCF et de ses organisations, FTP notamment, ne pouvait que renforcer les tenants de cette théorie dans leur volonté de mettre en avant des hommes à leurs yeux fiables.

L’histoire de NAPO, dont le second épisode ne pesa finalement que très peu sur le processus de la Libération et de ses suites, est cependant, à l’instar de situations proches dans d’autres départements, révélatrice de l’existence de forces politiques qui placèrent des hommes au sein de mouvements résistants pour y mener une stratégie se projetant très au-delà de la seule libération du pays et préparant les combats politiques de la séquence suivante. Elles le firent y compris en jetant dans les griffes de l’occupant des pans entiers de ces mouvements. Les filières et réseaux ainsi constitués, furent réactivés à l’occasion de situations difficiles, durant l’affaire algérienne notamment.

Notes
1.

J.C.MARTINET, op. cit. p.133.