1-2- L’agent double démasqué, éliminé

Ses liaisons avec les services de renseignements allemands furent mises à jour dans des circonstances où la part de hasard joua un rôle déterminant.

En mars 1944 le responsable militaire des FTPF de l’Yonne, CHAMFROY-CLAIR reçoit, chose rare selon Robert LOFFROY, une mise en garde de la direction parisienne, le CMN des FTPF, contre l’éventuel passage dans l’Yonne d’un couple se faisant appeler TONIMATON, et qui avait fait au service de l’occupant des ravages dans la région parisienne et le Loiret. La mise en garde était accompagnée de la consigne de le mettre hors d’état de nuire. Or en août 1943, à Guerchy, commune de résidence de Robert LOFFROY, où il s’occupait avec son camarade Claude BURAT d’une Auberge de Jeunesse, s’était présenté un jeune couple d’une vingtaine d’années se faisant appeler Jo et Huguette TONIMATON. Ils s’affichaient de façon très bavarde comme des jeunes communistes parisiens poursuivis par les Allemands après leur participation à la manifestation parisienne du 14 juillet, en route pour un maquis FTP des Alpes. Alerté, Robert LOFFROY ne put qu’être perplexe devant leur attitude, mais les laissa partir. Lorsque plusieurs mois plus tard vint l’avertissement de Paris, Robert LOFFROY fut convaincu d’avoir eu affaire aux personnages annoncés.

Quelques jours après la Libération, Robert LOFFROY est averti par la mère de Claude BURAT de la présence des TONIMATON à Auxerre. Dans le doute, il les fait arrêter par le 2e bureau FFI, donc par le capitaine JO. Porteurs d’ordres de mission parfaitement en règle et confirmés par Paris comme membre de la JC clandestine, ils sont rapidement élargis. Quelques jours plus tard, début octobre, JO et sa compagne, se disant menacés par des complices des collaborateurs qu’ils ont contribués à éliminer disparaissent du département. Le cadavre de JO est retrouvé quelques semaines plus tard dans le midi. L’enquête établit que ce sont les hommes de GILHO qui ont éliminé un témoin gênant.

En effet, la mise à jour, à partir de 1946 du dispositif de l’Abwehr dans l’Yonne et dans la région parisienne permet d’établir l’appartenance de Georges CLEMENT-JO, né à Saint-Mihiel le 21 décembre 1903, à ce service depuis 1940, en lien avec DUPRE-GILHO. Sa compagne, de son vrai nom Georgette BOUY, comparaissant devant la Cour de Justice d’Orléans, lui reconnut huit condamnations pour des délits divers, avant la guerre.L’information venue de Paris en 1943 était bien exacte puisque CLEMENT et sa compagne avaient usurpé l’identité du jeune couple de communistes, dont la plongée dans la clandestinité avait en quelque sorte rendu disponible la véritable identité. Ainsi, Robert LOFFROY découvrit avec quelque dépit qu’il avait fait arrêter en septembre 1944 les véritables TONIMATON par celui qui avait usurpé leur nom pour couvrir ses activités en région parisienne ! Encore peut-on se réjouir avec lui que le décalage des circonstances ait empêché une éventuelle mise en pratique des consignes de sécurité venues de Paris en 1944 et que les véritables TONIMATON aient profité du fait que l’exécution des traîtres supposés ou réels obéissait à moins de célérité après la Libération.

Toujours est-il que JO avait pu sévir de longs mois sans être mis en difficulté, bénéficiant d’une figure héroïque de justicier. Lorsque Marcel BARBOT, futur député-maire communiste de Nevers, inspecteur des maquis pour la région FTP, vint à Auxerre en octobre 1944 et s’inquiéta des bruits qui couraient sur les méthodes de JO, il lui fut rétorqué qu’il était utile au parti, qu’il l’avait financé aux temps de la clandestinité et qu’il fallait donc fermer les yeux sur ses excès 1 .

Notes
1.

Marcel BARBOT, commissaire politique, élu député-maire de Nevers en 1945.