Un troisième personnage manifeste l’importance de l’infiltration d’agents doubles dans le dispositif résistant de l’Yonne. Il s’agit du commandant BARDET-ROGER qui a pris le commandement du réseau Jean-Marie-SOE à la chute de son fondateur le commandant Henri FRAGER-PAUL, arrêté à Paris le 27 juillet 1944, déporté et assassiné à Buckenwald le 4 octobre 1944. Pendant l’été 1944, il commande le maquis d’Aillant-sur-Tholont. “ Homme habile et énergique ” 1 , il est du premier état-major FFI constitué le 31 mai 1944, aux côtés de CHOLLET, d’Adrien SADOUL-CHEVRIER, de Jean CHAPELLE-VERNEUIL et du commandant HERBIN. Or, arrêté le 5 décembre 1945, jugé en décembre 1949, il est condamné à mort le 16 par la Cour de Justice de la Seine puis gracié. En effet, arrêté par les Allemands en mai 1943, retourné, il est depuis l’agent DICK, matricule E8010 de l’Abwehr. Le bulletin mensuel des anciens du réseau Jean-Marie exprime le désarroi des anciens compagnons de combat de BARDET et de l’un de ses acolytes : ‘“ Beaucoup d’entre nous avaient dans la clandestinité vécu côte à côte avec les deux accusés, leur faisant alors une confiance absolue. Pour tous ceux-là ce ne pouvait être qu’un déchirement douloureux que d’apprendre soudainement que ces hommes qu’ils avaient connus, respectés, admirés, avaient un autre visage qui leur était inconnu ”’. Dans son rapport au préfet du 3 novembre 1944 2 , le commissaire des RG d’Auxerre n’a pas ces états d’âmes. S’il reconnaît le “ dynamisme ” du personnage, lui assurant “ un grand ascendant sur ses hommes ”, il en déplore “ la férocité des procédés ”, la pratique “ d’exécutions sommaires ”, visant par leur vigueur à “ masquer son double jeu ”. Pour ce fonctionnaire de police, BARDET relève de la figure du condottiere.
Robert BAILLY, Si la Résistance m’était contée, ANACR de l’Yonne, 1990, p.365.
AD 89 1W26.