1-La légitimation par les organes de la France libre

C’est dès le 13 juillet 1940 que le chef de la France libre annonce sur les ondes de la BBC que ‘“ la France libérée punira les responsables des désastres et les artisans de sa servitude ”’ ‘ 2 ’. L’acte de punition est explicitement affecté aux résistants par Jacques DUCHESNE dans l’émission “ Les Français parlent aux Français ” lorsqu’il y énonce, en 1941 qu’à “ La Gestapo d’Hitler comme à celle de Darlan ”, il doivent opposer leur “ propre terreur secrète ”. L’immédiateté de la punition est reprise par Maurice SCHUMANN lui-même à la mi-septembre 1941 lorsqu’il annonce que la sentence de mort pour les dénonciateurs est “ exécutoire avant la victoire ”. La verve de Pierre DAC décline à longueur de messages les avertissements en direction de ceux à qui il annonce : ‘“  Vous serez verdâtre, la sueur coulera sur votre front et dans votre dos ; on vous emmènera et, quelques jours plus tard, vous ne serez plus qu’un petit tas d’immondices ”’ ‘ 1 ’. Bien entendu ces thèmes sont repris et développés par la presse et l’ensemble de la propagande clandestine. Ces déclarations sont à lire à plusieurs niveaux . Si l’annonce est bien réelle, elle se renforce d’une volonté de peser, par la menace, sur le comportement de ceux qui, hésitant sur la conduite à suivre ou déjà engagés dans la collaboration, seraient susceptibles de choisir au moins la passivité, au mieux le retournement. Ceux qui recevaient ces messages au sein des maquis, dans l’ombre de la clandestinité, n’avaient que faire de ces subtilités. C’était pour eux la légitimation de leur volonté de briser ceux dont ils subissaient la politique et les forces qu’ils affrontaient. D’ailleurs l’exemple venait d’Alger où le CFLN n’avait pas hésité à faire mener une active épuration, notamment en faisant arrêter, juger, condamner à mort et exécuter un ancien ministre de PETAIN, Pierre PUCHEU, venu en Afrique du Nord se livrer à d’obscures manœuvres politiques avec le général GIRAUD. C’était aussi pour eux la responsabilité écrasante d’exercer, donc de mesurer, de maîtriser et de contrôler, une justice rendue sans règles autres que celles que s’imposaient ceux qui la pratiquaient. Cette responsabilité était non seulement annoncée, elle fut dotée d’une base réglementaire, dès lors que la France combattante se fut constituée en CFLN le 3 juin 1943 puis en GPRF un an plus tard, organes dont la légitimité revendiquée leur permettait de légiférer par ordonnances ayant force de loi.

Notes
2.

Charles de GAULLE, Discours et messages, vol. I, Plon, 1970. p.15.

1.

Pierre DAC, Les voix de la Liberté, t.IV, p. 127.