2-L’épuration légalisée

De juillet à novembre 1943 le CFLN 2 jette pas à pas les bases du cadre juridique des différents domaines concernés par l’épuration, la politique, l’administration et l’économie. L’ordonnance du 6 juillet 1943 légitime, même s’il contrevient aux lois établies, tout acte accompli depuis le 10 juin 1940, “ dans le but de servir la cause de la libération de la France ”. Par la suite, ce sont les bases de l’épuration légale qui sont jetées par différents textes définissant les formes de collaboration et légalisant leur répression, en s’appuyant sur la législation existante, en particulier les articles 75 à 83 du Code pénal qui définissent les actes de trahison, d’atteinte à la sûreté de l’Etat ou susceptibles de “ nuire à la défense nationale ”. Outre les conséquences pratiques pour les temps suivant la Libération qu’ils impliquent concernant la mise en place d’une épuration légale, ces textes, et tout particulièrement celui du 6 juillet 1943, constituent forcément pour les combattants une couverture légale aux actes de guerre auxquels ils sont amenés à se livrer. Nous verrons lors de l’étude des procès de résistants que la définition du service de “ la cause de la libération de la France ” reçut des acceptions à géométrie variable selon les situations et fit l’objets d’intenses polémiques. Il n’en reste pas moins que pour les combattants, tout du moins ceux qui en eurent connaissance, cela légitimait et légalisait des mesures brutales, prises dans le contexte particulier de la guerre de libération, ceci d’autant plus clairement qu’au moment du débarquement le COMAC comme les mouvements ou les FTPF appelaient explicitement à l’exécution des traîtres 1 . A partir du moment de libération, c’est la phase de l’épuration légale qui s’ouvre. Si elle marque un changement de nature, elle conserve avec la période précédente la dimension de brûlante exigence qui vient de tous ceux qui eurent à souffrir de la collaboration. De ce fait, outre sa mise en œuvre, elle devient un thème majeur d’agitation, avec celui du ravitaillement.

Notes
2.

Herbert LOTTMAN, L’épuration, Fayard, 1994, p. 64-75.

1.

Herbert LOTTMAN, op.cit., p. 42-43.