CHAPITRE 5 : UNE OPINION DEÇUE, DESORIENTEE

Au cours de la première année suivant la Libération, donc dans la période initiale de la séquence étudiée, les quatre composantes de la situation de la France précédemment envisagées agissent fortement sur l’état d’esprit de Français, les mettant souvent en opposition avec l’immensité des espoirs générés par les combats libérateurs, révélant ou exacerbant les contradictions politiques nées durant l’occupation. L’étude de ces réalités amène à utiliser le concept d’opinion, à la fois commode et délicat ; commode parce ce qu’il renvoie sans ambiguïté aux perceptions collectives des événements, aux réactions qu’ils suscitent, à l’approche par la population de son avenir ; délicat parce qu’il identifie principalement les tendances majeures, gomme les singularités et tend à limiter les phénomènes de conscience, individuels ou collectifs, aux échos suscités par les messages émis, les actions entreprises, les politiques menées, par ce qui relève de l’Etat, des structures économiques et des organisations sociales. Des aspects importants de l’attitude comme des formes de conscience de la population échappent donc à l’analyse menée en terme de faits d’opinion. Cette limite est renforcée par le fait que les sources majeures pour cette période sont constituées par les analyses des observateurs étatiques, police et gendarmerie, collectées par ceux qui incarnent le pouvoir de l’Etat, préfets et sous-préfets. Cette réserve faite, il reste que ces sources permettent d’esquisser les données dominantes de l’opinion française.