2-Un impact électoral fort

Là gît probablement l’explication du désintérêt observé fréquemment des questions politiques, de la part d’une fraction majeure de la population, lorsque le temps des premières élections, au printemps et à l’automne 1945, fut revenu. Le 25 avril 1945, le commissaire des Renseignements généraux de Dijon transmet au Commissariat central de la ville une note 1 où il constate que la population a “ un moral bas ”, qu’elle est laissée “ froide ” par les perspectives électorales, analyse qu’il base sur la faible affluence aux réunions électorales manifestant à ses yeux “ un véritable désintéressement de l’opinion à l’égard des questions politiques ”. Ce phénomène s’explique en partie selon lui par l’incapacité des organisations issues de la Résistance de constituer des listes uniques pour ces élections locales. Les mois d’été n’infléchissent pas le phénomène puisque dans son rapport du 21 juillet 1945 2 , le commandant de la Légion de gendarmerie de Côte-d’Or avise le préfet du souhait “ d’une fraction importante de la population ” de voir ‘“ mettre un terme aux agissements des saboteurs et au désordre qui persiste dans trop de domaines ”’ et supprimer ‘“ certains organismes économiques qui ne profitent qu’à une minorité de personnes sans responsabilités, ayant intérêt à faire durer le plus possible la situation qui les fait vivre ”’, ceci allant de pair avec “ une soif de stabilité ”. L’approche des élections cantonales et nationales de l’automne voit les partis, en particulier le PCF, déployer “ une grande activité ”. Pour sa part, la population “ semble de plus en plus marquée par le dégoût des luttes politiques ”. Le commissaire principal du Commissariat central de Dijon communique au préfet le 25 septembre 3 que ‘“ la période précédent le premier tour du scrutin a démontré comment la population dijonnaise se désintéresse de plus en plus des questions électorales ”’, avec des réunions électorales squelettiques, à l’exception de celles du PCF et de la SFIO, et constate ‘“ la lassitude du citoyen moyen devant les luttes politiques qui risquent de rester aussi stériles qu’avant 1939 ”’. Observons cependant que les deux exceptions signalées sont tout de même les deux principaux partis politiques à l’issue de la guerre.

Ces analyses sont à mettre en vis-à-vis des données électorales qui sont marquées par un taux de participation élevé et une large victoire des partis se réclamant d’une légitimité résistante. La contradiction n’est qu’apparente. L’absence d’élections depuis l’avant-guerre comme de toute autre alternative politique, le vote massif de femmes pour la première fois reconnues comme citoyennes à part entière et la légitimité de trois partis associés dans le tripartisme sous la houlette du général de GAULLE expliquent le comportement électoral des Français. Ce vote est une manifestation de légitimisme. Il n’en reste pas moins que beaucoup d’électeurs se sont prononcés sans enthousiasme, sans illusions. Manifestement, un ressort s’est cassé. Au choc des difficultés et confusions des premiers mois, les grands espoirs confus de la Libération se sont dissipés.

Notes
1.

AD21 41M13.

2.

AD21 W21423.

3.

AD21 41M13.