De ce fait, c’est tout l’héritage politique fécond de cette période qui est fragilisé. La Résistance avait formulé de façon nouvelle la question nationale, déconnectée dans la pratique des distinctions opérées par la seule nationalité administrative. Si l’on a vu émerger après coup des approches du fait résistant qui établissaient des classifications par catégories sociales, professionnelles et nationales, avec pour ces dernières la distinction entre résistants français et résistants étrangers, celles-ci semblent bien avoir été fort éloignées du vécu des acteurs 1 . Ceci permettait d’envisager en termes nouveaux pour les temps de paix retrouvée le traitement de la question nationale en France. Cela ne fut pas le cas dans la ville minière de La Machine dans la Nièvre, dans une zone où le Résistance fut active, avec une participation significative des mineurs polonais au combat libérateur. Dans un rapport en date du 13 avril 1945 2 , dans la partie consacrée à “ l’état d’esprit de la population ”, le service des Renseignements généraux de la Nièvre fait part au préfet de Côte-d’Or du “ malaise ” qui s’est instauré à La Machine entre Français et Polonais. La population polonaise compte selon ce rapport 429 hommes, “ presque tous mineurs ”. Il note que ‘“ certains ont parfois une attitude incorrecte à l’égard de nos compatriotes. Ce sont surtout les jeunes polonais qui se montrent parfois arrogants. Beaucoup de ces derniers sont nés en France et ils supposent qu’ils ont les mêmes droits que les Français (…). Ils ne doivent pas oublier que notre pays ne leur a donné l’hospitalité qu’à condition de ne pas s’immiscer dans nos affaires intérieures… ”’. En quelques mots, le responsable d’un service départemental de police, s’adressant à un préfet régional, identifie une question majeure, celle des “ droits ” des populations ne possédant pas la nationalité française. Il avance un véritable énoncé politique, à propos de leur rapport aux “ affaires intérieures ”, dans lesquelles elles sont invitées à ne pas “ s’immiscer ”. Sauf à considérer que le combat pour la libération du territoire et contre l’Etat vichyste ne relevaient pas de ces “ affaires ”, nous avons bien là l’affirmation d’une volonté de mise entre parenthèse de ce qui fut, moins d’un an plus tôt, dans une zone où la participation des mineurs polonais à la Résistance fut une donnée majeure du combat libérateur. Cela pourrait être imputé à des circonstances locales si l’épisode ne renvoyaient aux multiples difficultés rencontrées par des “ étrangers ” dans les années suivant la Libération, avec, pour ne citer que lui, les embûches posées à Georges CHARPAK, jeune juif étranger, résistant et déporté à Dachau, devant ses demandes de naturalisation. Du même ordre des choses relève la proposition faite à des maquisards du Lot, issus des scouts juifs, d’intégrer l’armée régulière, en octobre 1944, dans la seule Légion étrangère, les unités d’origine FFI leur étant fermées 1 .
Chantal LOIZILLON-PLUMETTE témoigne que dans un dispositif comme celui du maquis de Cluny, la diversité nationale (Français, Polonais, Italiens, Espagnols, Allemands, Autrichiens) n’entrait en rien dans la subjectivité de chacun et regrette l’établissement postérieur de classifications catégorielles.
AD21 41M212.
En témoigne Guy GAULTIER, maquisard du maquis de VABRE, intégré au “ groupement SCHNEIDER ”. Entretien du 22 mai 1998.