Les EGRF se sont tenus à Paris du 10 au 14 juillet, date évidemment choisie pour affirmer plus fortement la volonté de référer l’événement à l’épisode de 1789. Ils aboutissent à la mise en place d’une structure supplémentaire, le Comité central de la Renaissance française. L’article 2 de son règlement intérieur lui affecte 1 pour mission de ‘“ prendre toutes mesures tendant à porter au maximum l’autorité du CNR (…) en assurant la coordination nécessaire au travail de diffusion et de mise en place du programme du CNR (…) et de l’application des vœux, résolutions et décisions prises par les EGRF… ”. ’
A la réunion du CDL de Saône-et-Loire, son président BERTHEAUD apporte la bonne nouvelle aux autres membres. Immédiatement, REY, délégué de la CGT et membre du PCF, reprend la balle au bond et propose que le CDL devienne le Comité départemental de la Renaissance française. Après un débat houleux et confus sur cette grave question, on convient d’un compromis qui limitera le label aux comités locaux, ainsi rebaptisés pour la postérité CCLRF et CLLRF. REY propose “ d’entreprendre immédiatement une tournée de conférences ” pour porter la bonne nouvelle aux masses. Quelques semaines plus tard, le même CDL annonce le 23 août qu’il ne prendra pas parti pour les élections à venir puisque “ chaque parti défendra son programme ”. Des EGRF, de leur CC, des CCLRF, des CLLRF, il ne sera plus question, sauf pour les premiers comme référence ritualisée, associée au programme du CNR.
Cette entreprise des EGRF, dans laquelle les mouvements et partis de la Résistance, et tout particulièrement le PCF et les organisations qu’il contrôle, ont investi d’importantes forces militantes et sur laquelle ils ont focalisé tout un discours volontariste, se révèle donc finalement comme une opération qui n’a concerné en rien la majorité des Français dans sa phase préparatoire et dont les effets pratiques sur la période suivante furent nuls. Reste donc la question de savoir pourquoi le PCF a monté une telle opération et pourquoi les autres forces représentées dans les comités de Libération y ont participé, certes sans enthousiasme. Ce qui a été analysé des circonstances de leur préparation comme du contenu des cahiers permet d’avancer une hypothèse sur le premier point. Fortement engagé dans l’expérience gouvernementale du tripartisme et dans la bataille de la production, le PCF avait probablement besoin de maintenir, pour donner des gages à une fraction de ses militants et de son électorat, en particulier celle issue du combat maquisard, une image radicale, au verbe fortement épurateur et transformateur. Il apportait ainsi une pierre supplémentaire à la construction d’une véritable mythification de son image, en complément de celle du parti des 75 000 fusillés. Quant aux mouvances socialiste et démocrate chrétienne, elles ne pouvaient pas abandonner au seul PCF l’utilisation politique et le bénéfice électoral de la mise en connexion du combat révolutionnaire des années 1789-1794 avec la Résistance, d’où leur participation et leur contribution, mais dans des conditions et sous des formes qui ne pouvaient qu’aboutir à vider l’opération de toute substance et de tout rapport avec la réalité. Celle-ci apparaît donc comme une totale mystification, un rideau de fumée politique, servant à masquer aux yeux des hommes étant sortis des maquis ou rentrés des camps pleins de rêves d’une France radicalement transformée l’échec de cette espérance.
C’est finalement bien d’échec qu’il faut parler à propos des comités de Libération, tout du moins pour ceux qui y voyaient, dans le prolongement de la dynamique des mouvements de Résistance, la possibilité de rompre avec la logique partisane d’avant la guerre, de fonder de nouvelles formes de vie démocratique, d’asseoir les bases de formes nouvelles d’organisation économique et sociale. Rapidement parlementarisés, affaiblis par les lacunes de l’épuration, tenaillés par les divisions entre les forces les constituant, ils ont perdu rapidement toute substance politique et sont devenus dès la fin de 1945 des associations gérant la situation administrative des anciens résistants. C’est alors que les CDL doivent 1 , pour obtenir des subventions que leur refuse un conseil général de l’Yonne qui considère qu’ils n’ont plus lieu d’être 2 , se transformer en association conforme à la loi de 1901, recevant des subventions pour les services sociaux rendus. Il en est de même en Saône-et-Loire où le CDL devient association loi 1901 3 , un CDL dont le noyau actif ne se réunit plus qu’une fois par mois 4 et dont le président, ancien chef de maquis, ancien chef départemental des MUR, BERTHEAUD est réduit à faire part “d’une très grande activité ” : ‘“ nous recevons des centaines de visites chaque mois d’anciens résistants qui sont souvent plus que d’autres en butte aux vexations d’un administration où subsistent toujours trop d’éléments vichystes ”’. Il y a dans cette formulation l’aveu pathétique que le CDL n’est plus rien, sinon une sorte de syndicat d’anciens résistants et que donc la dynamique dont il était issue était morte.
AD71 Dossier CDL.
AD89 201W1.
Conformément à sa prise de position lors de sa première session, le 30 avril 1946.
JO du 16 février 1946.
Lettre au CNR, 21 mars 1946, AD71, Dossier CDL.