La guerre fut une sévère épreuve pour la forme organisée de la politique que constituent les partis. Il a fallu au PCF l’engagement précoce mais isolé d’une partie de ses adhérents ou sympathisants, la mort héroïque de certains, la capacité organisationnelle des FTP pour échapper au sceau de l’infamie qu’aurait pu lui valoir son ralliement au Pacte germano-soviétique et ses avatars de juin 1940 à juin 1941. La SFIO, dominée au moment de la débâcle par le courant “ paulfauriste ”, munichois et devenu maréchaliste, a éclaté, balayée par l’implosion de la société française et seule une poignée de militants a su reprendre le drapeau de la “ vieille maison ” pour en faire une organisation résistante, autour de gens comme Daniel MAYER ou Edouard DEPREUX. Les radicaux et les partis de droite, même si quelques-uns de leurs adhérents ont adopté individuellement une attitude honorable, parfois héroïque, se sont disloqués et ont constitué une partie des assises politiques de la collaboration. De cette situation résulte un rejet massif des partis politiques de la part de ceux qui, souvent à un jeune âge, se sont lancés dans l’engagement résistant. Gît là une des raisons de l’importance et de la légitimité des mouvements dans le dispositif résistant. Il n’y a donc rien d’étonnant à ce que beaucoup de résistants aient vu dans cette forme d’organisation une alternative aux partis, la chance pour la France libérée de voir s’affirmer une politique radicalement nouvelle. Perçue confusément par beaucoup, cette aspiration est formulée sans détours le 10 décembre 1944 par Pierre DENAVE, nommé maire de Mâcon par le CDL de Saône-et-Loire. Il le fait lors d’un meeting du MLN, né de la fusion des MUR, fortement implantés dans le département avec notamment Combat et Libération-Sud et des mouvements de la Zone-Nord. Il y affirme que ‘“ les partis ont fait faillite ; le MLN, synthèse de toute les aspirations et de toutes les couches sociales tend à les remplacer ”’ ‘ 1 ’ ‘.’
Compte tenu du fait que les directions des mouvements regroupés dans le MLN, qu’ils proviennent de Zone-Nord ou de Zone-Sud, comptent parmi leurs membres des responsables de partis, que la mise en place du CNR et la composition de l’Assemblée consultative ont permis à ces derniers, plus ou moins rénovés, de se réinsérer dans le jeu politique, il convient de discerner comment la conviction ou l’espoir formulés par Pierre DENAVE furent finalement rapidement forclos, les partis reprenant en une petite année le contrôle de l’expression politique organisée.
Le Petit Mâconnais, 11 décembre 1944.