Sous de formes diverses selon les départements, l’idée d’une unité de forces issues de la Résistance se manifeste tout au cours de la fin de l’année 1944, sous la forme d’un travaillisme à la française , ‘“ peu théorisé, sans poids social, qui récuse la République bourgeoise comme le modèle soviétique ”’ ainsi que le formule Jean-Pierre RIOUX 1 . Le 28 décembre, Libération-Nord de l’Yonne publie dans son journal La vie de l’Yonne un manifeste pour la fondation d’une Union travailliste de la Libération, regroupant tous les partis et organisations de la Résistance. Se gardant bien de se poser la question de la place de ces différentes instances en son sein, ce manifeste montre le bout de l’oreille lorsqu’il écrit à propos de la politique économique qu’ ‘“ elle sera conçue de la même façon que la conçoit la SFIO ”’. Cette proposition va de pair avec de sévères luttes d’appareils au sein de l’organisation résistante. Selon les Renseignements généraux de l’Yonne, dans une note 2 adressée le 29 décembre au préfet, une assemblée de Libération-Nord a élu comme président Emile FEVRE, directeur de l’office du travail, “ de tendance radicale-socialiste ”. Il est le rival, selon la police, de Gaston VEE-LEJEUNE, responsable départemental du mouvement après la déportation de son fondateur Pierre VAUTHIER, et son représentant au sein du CDL. FEVRE aurait été fort dépité de cette désignation à une fonction qu’il revendiquait pour lui-même. L’affaire rebondit quelques jours plus tard puisque une nouvelle note du même service 3 , en date du 2 janvier 1945, fait état d’une réunion du comité direction de Libération-Nord le 29 décembre, contestant la validité d’une élection issue d’une “ assemblée sans aucun mandat ”, et que pour solde de tout compte, “ le comité a décidé que monsieur FEVRE n’avait jamais fait partie du groupe Libération-Nord ”. Cette circonstance est révélatrice de la difficulté de structures nées dans la clandestinité à établir des règles de fonctionnement démocratique, dès lors quelles fonctionnaient au grand jour.
Jean-Pierre RIOUX, op. cit. t1 p.80.
AD21 40M252.
Idem.