CHAPITRE 4 : DES COMMUNISTES EN DIFFICULTES AVEC LEUR PARTI

Par rapport aux autres forces politiques engagées dans le combat libérateur, le PCF de 1944 présente plusieurs singularités, dès lors que ce combat est gagné.

Héritier des temps de la lutte “ classe contre classe ”, de l’interdiction de 1939 et du combat clandestin anti-allemand, il dispose d’un appareil administratif et politique que l’habitude du secret rend très imperméable et qui bénéficie de ce fait d’une image particulière dans l’opinion, où admiration et crainte se conjuguent.

Il contrôle toute une nébuleuse d’organisations dites “ de masse ”, FN, UFF, UJRF, ARAC, Associations des Anciens FFI et FTPF, et dispose localement d’une mainmise plus ou ferme sur des sections de mouvements comme Libération ou d’organisations syndicales, la CGT ou la CGA. Il s’est assuré de positions fortes au sein des comités de libération, des CLL aux CDL.

Son insertion dans le combat libérateur lui a constitué un véritable vivier de jeunes cadres, souvent issus des JC revigorées par les espoirs du Front populaire. Ces hommes et femmes ont accumulé une riche expérience du combat politique, ont souvent milité auprès de gens venus d’autres horizons.

Enfin, il bénéficie d’une image largement positive, du fait du rôle de certains de ses militants dans la Résistance, de sa figure de parti martyr, enfin du rejaillissement sur lui de la popularité de l’URSS, débordant largement la famille communiste, tant les gens mesurent que c’est bien dans les plaines de Russie et non ailleurs que l’armée allemande a eu l’échine brisée.

Se pose alors d’emblée la question de ce qu’il fit de ces éléments particulièrement féconds. Les chapitres 1 et 3 ont permis de voir que les circonstances locales vont dans le sens d’une politique très légaliste, faisant du PCF une des forces décisives pour assurer le rétablissement sans crise majeure de la république parlementaire.

Reste la question corollaire de ce qu’il advint de militants, de cadres qui se trouvèrent à un moment ou un autre en discordance ou en simple déphasage avec ce choix ou avec ceux qui le précédèrent, pendant la Résistance. Cette approche permettra d’établir si le sort réservé à un personnage comme Georges GUINGOIN est un cas isolé ou si au contraire un nombre significatif de combattants de l’ombre en subirent d’identiques ou de guère plus enviables.

Cette démarche amène alors à procéder par une série d’investigations à caractère biographique, pour reconstituer ce que fut le parcours original de gens choisis selon le double critère de la signification particulière de ce parcours et du sens des difficultés qu’ils eurent, au cours de la période 1944-1953, avec l’appareil de leur parti.