1-2-Au feu des drames de 1939-1941

Le premier choc, pour lui comme pour beaucoup d’autres militants, est suscité par l’annonce de la signature du Pacte germano-soviétique, le 23 août 1939. Son fils témoigne de son refus de prendre position, “ embêté ” qu’il était. D’une part, il était sous le feu de la violente dénonciation venant de la part des délégués appartenant à la tendance réformiste de la CGT, comme Marius MATHUS, rendant tentante une position de repli et de défense ; d’autre part, il était troublé, soupçonnant une manœuvre de Staline sans en détenir les clefs, tant il se sentait à “ l’écart des rouages ”. Ces interrogations n’empêchent pas TISSIER de subir une première arrestation, à la suite de la dissolution du PCF, le 26 septembre 1939.

Plus rude encore, parce qu’alors les données du problème sont parfaitement intelligibles, maîtrisables car entièrement nationales, est le choc des choix de juin-juillet1940, masqué longtemps par le double mythe de “ l’appel du 10 juillet 1940 ”.

L’occurrence la plus significative alors est le débat soulevé au sein de la direction fédérale par la proposition du secrétaire fédéral Antoine EMORINE 1 d’aller solliciter auprès des autorités d’occupation l’autorisation de reparution légale du journal fédéral, L’Etincelle. Cette situation locale n’est finalement que l’application de choix politiques qui furent à l’origine de la demande identique, mais cette fois à l’échelle nationale, pour la reparution de L’Humanité. Parmi les protagonistes, aux côtés d’EMORINE, se trouvent Charles TERRENOIRE 2 , Camille VAILLOT et Antoine TISSIER. “ Dus ” VAILLOT comme Roger TISSIER convergent aujourd’hui pour témoigner de l’opposition d’Antoine TISSIER à une telle démarche, préconisant au contraire une ligne de lutte contre l’occupant. Son fils se souvient l’avoir entendu se plaindre de “ l’absence de directives ”, de ce que chacun soit “ livré à lui-même ”. Les faits comme les sentiments des acteurs sont en cohérence totale avec le désarroi de la direction du PCF à partir de juillet 1940, soumise à la contrainte du Pacte germano-soviétique, amputée de membres majeurs, incapable de proposer une ligne politique connectant combat national et antifascisme.

La période qui va de ces premières semaines de l’occupation jusqu’au déclenchement de l’opération Barbarossa est d’une particulière confusion. Témoin de qualité de cette période, Camille VAILLOT atteste que le petit noyau de militants qui n’avaient pas quitté le PCF limitait son action à des actes de propagande “ où il n’était pas beaucoup question des Allemands ”, euphémisme signifiant qu’elle n’était dirigée que contre le régime de Vichy, non pour sa politique de trahison nationale mais comme instrument du “ grand capital ” et de “ la réaction ”. La libération, à plusieurs reprises, par les troupes d’occupation, de militants communistes arrêtés par la police vichyste, contribue à renforcer cette confusion. De ce fait, l’annonce de l’offensive de juin 1941, si elle est vécue douloureusement tant elle présage de nouveau malheurs, suscite par ailleurs un certain soulagement. Désormais, fidélité à l’URSS, antifascisme et patriotisme peuvent se décliner au sein du même combat. Si la ligne politique s’impose alors, les séquelles des errements précédents se font douloureusement sentir. Le maintien dans la légalité de cadres régionaux permet, dès les derniers jours de juin, de véritables rafles de militants, dont Titus BARTOLI, Antoine TISSIER, Camille VAILLOT. Pour Antoine TISSIER, arrêté le 24 juin, et Titus BARTOLI, après la prison de Chalon-sur-Saône, c’est le voyage vers le camp de concentration de Choisel, commune de Chateaubriant (Loire-Atlantique) où ils arrivent le 24 juillet. Ainsi, deux figures majeures du communisme de Saône-et-Loire ont pu être arrêtées sans la moindre difficulté, “ au saut du lit ”.

Notes
1.

Camille VAILLOT, Mineur de Montceau-les-Mines, L’Harmattan, 1997, postface, p.258.

2.

Militant communiste de Saint-Vallier, un des responsables de la réorganisation du PCF dans le département, fusillé par les Allemands en 1943.