1-5-A nouveau un paria

S’il pouvait espérer que le retour de la liberté pour son pays et que sa participation pendant près de deux ans à la lutte de libération suffirait à le réintégrer dans sa position politique d’avant la guerre, les faits vinrent rapidement démentir cet espoir.

Dès les premiers jours suivant la Libération, il est l’objet d’une étrange convocation qui ressemble fort à un guet-apens et surtout, il est publiquement dénoncé comme ayant appartenu à une officine pro-allemande par le journal de la fédération de Saône-et-Loire, L’Etincelle, dans sa livraison du 12 décembre 1944 (annexe n° 19), justifiant ainsi son exclusion officielle du PCF. En des temps de sensibilité particulière à tout ce qui avait touché à la trahison, en pleine épuration, une telle sentence valait non seulement exclusion politique, mais aussi exclusion économique, marginalisation sociale, particulièrement par rapport à son milieu d’origine, celui de la mine.

C’est alors un homme “ amer ”, “ replié sur lui-même ”, qui survit 23 ans, souffrant “ jusqu’à la mort ” de cette exclusion, tentant de façon pathétique plusieurs démarches auprès de l’appareil communiste pour être réhabilité et réintégré. Cette amertume se nourrit de plus du spectacle de cadres ayant été “ relativement à l’abri ”, après être passés en Zone Sud, ou autorisés à s’évader de Châteaubriant comme Fernand GRENIER, au prix “ payé trop cher ” de l’exécution de plusieurs otages. L’hostilité à son égard s’étend à ses proches. Son fils, après un service militaire dans l’aviation achevé en 1950, ne parvint pas à trouver du travail, chaque employeur découvrant après quelques jours qu’il “ ne faisait pas l’affaire ”, à la suite de pressions. Lui-même dut alors ouvrir son propre garage de réparation automobile. Une réparation d’urgence du véhicule du curé de Sanvignes lui amena une clientèle très cléricale, incluant l’évêque d’Autun, ce qui amuse encore le fils d’Antoine TISSIER. De son milieu social et politique d’origine, les gestes de fraternité vinrent d’hommes qui comme son ancien chef Antoine BAR eurent eux aussi à souffrir et qui détachés de toute appartenance d’appareil et de toute obéissance asservie à la ligne officielle, gardèrent de forts liens d’amitié avec lui. Ce fut aussi le cas de militants communistes comme Camille VAILLOT, suffisamment indépendants de comportement pour continuer à garder contact avec lui.