1-6-Une mémoire douloureuse

Le témoignage de son fils, plein de retenue dans le ton comme dans la forme, est néanmoins porteur d’une véritable douleur, à la mesure d’une intense admiration pour la figure d’un père appréhendé dans la double dimension du courage et de l’honnêteté. Alors qu’il ne renie en rien l’idéal et la politique pour lequel son père a combattu, Roger TISSIER non seulement reste éloigné de l’appareil du PCF, mais a “ interdit ” à ses enfants “ d’aller aux Jeunesses ”, à une époque, celle de la fin des années 40, où c’était le fait d’une large fraction des jeunes du bassin minier. Pour lui, rien ne changera tant que son père ne sera pas reconnu pour ce qu’il fut et donc réhabilité. Son “ vieux copain ” Camille VAILLOT, exclu lui aussi de 1963 à 1975 et président de l’ANACR de Montceau-les-Mines, soutient :  “ Peu importe ce qu’on a signé, si c’était pour rejoindre la Résistance ”, mais cette idée continue à faire problème chez ceux qui s’arc-boutent à une image mythifiée donc illusoire du fait résistant.

Antoine TISSIER a donc traversé les situations qui mettent en travail les principales questions que soulève la politique communiste depuis les années trente, y compris celles qui furent les plus soigneusement et durablement occultées par son histoire officielle. La signification du Pacte germano-soviétique (il est à remarquer que le document modèle d’établissement de la fameuse “ bio ” comporte après la guerre une question sur l’attitude de l’impétrant à l’égard du Pacte), la politique à l’égard de l’occupant avant juin 1941, l’attitude des internés politiques, l’engagement limité des cadres du PCF dans la lutte armée, le bilan de tout cela après la guerre en constituent les termes majeurs.