Dès son retour, il est propulsé à des responsabilités multiples, dans le département de l’Yonne. Il est permanent des Jeunesses communistes, dont il dirige le journal départemental L’Espoir. Il est nommé par l’appareil du PCF président départemental de l’UJRF 2 , ce qui suscite d’ailleurs des remous et protestations au sein des membres non communistes de cette organisation, estimant que les référents démocratiques n’en sont pas respectés. S’il convient aujourd’hui de la légitimité de la réaction, il estime que ce désaccord initial fut vite surmonté du fait de sa propension à organiser fêtes et pièces de théâtre qui “ intéressaient la jeunesse en même temps que la vie politique ” 1 . Dans le même temps, il est membre du bureau fédéral du PCF de l’Yonne, administrateur de son journal Le Travailleur de l’Yonne , dirigé par Robert SIMON. Avec cet ancien membre de la Bataille socialiste, rallié au PCF pendant la guerre, survivant de Mathausen, il entretint de relations détestables. Enfin, il est porté vers des fonctions électorales. En 1945, il est conseiller municipal et adjoint au maire de Lézinnes. Il est candidat aux élections cantonales, face à un personnage important de la vie politique départementale, JAÏS, réalisant alors un score “ très honorable ” dans “ un canton pourri ”. Enfin, en 1946, aux élections législatives, il est présenté sur la liste des candidats du département. La campagne est l’occasion d’une circonstance révélatrice du décalage avec ses dirigeants. Edmond MICHELET tenant meeting pour le MRP à Auxerre et l’apercevant dans l’assistance l’invite à la tribune, le présente comme son compagnon de déportation et lui accorde un temps de parole. Ceci est parfaitement conforme aux pratiques politiques du moment, où il est de règle de constituer un “ bureau ” du meeting intégrant des rivaux politiques et surtout aux liens établis entre déportés, transcendant les divergences d’appareils. Néanmoins, Max NEVERS soutient que ce fut “ mal vu ” des autres dirigeants. Pour ce qui est de ces derniers, il est fortement déçu de l’arrivée dans le département de Prosper MOQUET, paré de la figure de père du martyr Guy MOQUET, alors que Max NEVERS estimait que la direction de la fédération aurait dû revenir à RenéMILLEREAU, commandant MAX (pseudo choisi après l’arrestation de NEVERS), cadre majeur de la résistance locale et estimé de tous pour sa force de caractère, son calme et sa popularité. Max NEVERS exprime à ce sujet, comme d’autres communistes ou anciens communistes des départements voisins, la conviction qu’il y eut une politique systématique de marginalisation de cadres résistants de la part de l’appareil légal, reconstitué, du PCF. Il établit d’ailleurs un lien entre ces circonstances et la fin tragique de MILLEREAU. Celui-ci choisit plus tard de se suicider, comportement “ étonnant ” selon lui, “ pour un gars trempé comme ça ”.
Ces quelques mois, qui séparent son retour et son éloignement volontaire du PCF début 1947, constituent un profil de jeune dirigeant, d’origine populaire, auréolé de son passé résistant et de son attitude pendant la déportation et rapidement promu à de hautes responsabilités, au sein de l’appareil comme sur le terrain de la lutte électorale. Dans la figure politique qu’il constitue, deux dimensions l’amènent à être à plusieurs reprises en décalage avec les autres dirigeants. Au sein de l’UJRF comme dans ses autres activités politiques, il aime à être en contact avec des gens issus d’autres courants idéologiques. Pour lui, l’esprit de parti ne l’emporte pas sur le goût pour le contact. Par ailleurs il ne fait pas de séparation, notamment dans le cadre des activités “ jeunes ”, entre ce qui relève du travail politique et la fête, les activités ludiques, éventuellement incluant des aspects lucratifs -“ on était un peu commerçants ” dit-il-, destinés à financer les organisations. C’est l’accumulation de l’usure à consacrer tout son temps à ses différentes fonctions et le sentiment d’être quelque peu décalé par rapport à la politique du PCF qui l’amènent à prendre distance, début 1947, et retrouver “ ses couteaux ”.
AD21 W21429.
Max NEVERS, entretien cité.