2-5-Chef d’entreprise et “ communiste de cœur ”

Il retrouve alors sa vie professionnelle de boucher. Pendant plusieurs années, il se fait une spécialité de reprendre, entre autres à Auxerre, Coulanges, Montbard, des affaires tombées, de les redresser au prix d’un travail acharné qui l’éloigne de toute activité, puis de les revendre pour recommencer plus loin. Pendant cette période, il estime que sa rupture organisationnelle avec le PCF ne touche en rien ses convictions, il reste “ communiste de cœur, mais (son) cœur (le) mène où il veut ”, formulation empreinte d’un idéalisme qui l’éloigne des formes politiques nées des retombées de la guerre froide naissante et par la rupture entre le PCF et les autres forces politiques. C’est le même idéalisme qui structure sa conviction de “ construire (son) socialisme à (lui) ”.

Ses pérégrinations l’amènent à Amboise et c’est là qu’investissant les économies patiemment accumulées, il fonde au cours des années 50 une société d’achat et d’abattage de bestiaux, devenue une grosse SICA de quinze salariés. Désormais libéré le week-end, il réalise sa boulimie d’activités en s’impliquant dans la vie sportive locale, ce qui lui vaut la médaille d’or de la Jeunesse et des Sports. Un autre engagement le rapproche de son passé : il s’implique alors dans deux associations d’anciens déportés, la FNDIRP dont il devient rapidement président de la section locale avant d’accèder au bureau national et l’Amicale des anciens du Struthof. Il y retrouve des cadres communistes comme Juliette DUBOIS de Dijon, connue avant la guerre et à la Libération, Gaston PLISSONNIER ou Marcel CAIGNOL, dirigeant des JC d’avant la guerre à Dijon, résistant, déporté, futur secrétaire fédéral de Côte- d’Or des années 60 et son vieux camarade LINET, resté lui “ orthodoxe ”.

Ceci ne suffit en rien à lui faire regretter ses choix. Son rapport au PCF reste lointain. Lorsqu’il énonce “ j’y vais de temps en temps ”, le “ y ” désigne une nébuleuse dont il s’abstrait et y aller signifie se rendre à tel ou tel meeting, généralement en contexte préélectoral. Sa dernière expérience, avec présence du secrétaire national Robert HUE, l’a “ beaucoup déçu ” par le “ vague ” des perspectives ouvertes. Son ultime noyau de conviction est sa volonté de combattre sans la moindre concession le Front national. Il estime en effet qu’il y a là la meilleure façon de rester fidèle à ses engagements passés et à la mémoire de ses camarades morts dans les camps.

Les deux exemples pris en considération n’ont en commun que l’engagement résistant et le fait qu’ils cessent assez rapidement d’être membres du PCF. Pour le reste, leur histoire, les circonstances diffèrent. Néanmoins, elles manifestent l’incapacité ou pour le moins la difficulté de l’appareil du PCF d’intégrer les jeunes cadres issus de la Résistance. Des témoignages comme celui d’André VAREYON incitent à penser qu’il ne s’agit pas là de cas d’espèces mais bien d’une donnée plus générale.