1-4-L’engagement enthousiaste dans la reconstruction et les grèves de 1948

Deux semaines tout juste après son retour de détention, le 2 janvier 1945, Camille VAILLOT redescend au fond de la mine. Il est à ce moment, et ce fut rarement le cas, en parfaite adéquation avec la politique du PCF. La volonté de reconstruire le pays, de faire revivre un outil de production qui dans le cas des mines de Montceau a peu souffert, l’effort de mécanisation de l’abattage et la nationalisation trouvent chez ce travailleur acharné, chez cet amoureux des “ tailles bien menées ”, un partisan enthousiaste 1 . Cela n’allait d’ailleurs pas de soi. Ses mémoires comme ce dont il témoigne aujourd’hui font état de la résistance passive de nostalgiques de Vichy, mais aussi de la difficulté de “ remettre au travail des gens qui avaient été prisonniers cinq ans, des déportés, des maquisards, tout un peuple désorganisé ”. Prêchant par l’exemple, et certains compagnons témoignent encore aujourd’hui de sa force de travail, Camille VAILLOT le fait aussi par la parole et parcourt, le travail terminé, “ les quartiers pour donner des explications ”, “  afin de remettre les gens au travail ”. Il est donc totalement en phase avec le discours de Waziers dans lequel Maurice THOREZ stigmatisait les jeunes mineurs peu portés sur l’effort et garde un souvenir ébloui de la venue du même THOREZ au congrès national de la Fédération du sous-sol de la CGT, à Montceau-les-Mines du 12 au 17 février 1946, porteur du nouveau statut des mineurs tout juste adopté par l’Assemblée nationale. C’est donc naturellement que cette année là, il fait partie de ceux que la direction des Houillères choisit pour développer la mécanisation de l’abattage. La tâche est bien sûr technique et l’homme de métier qu’est Camille VAILLOT y adhère totalement, tant il y voit un progrès dans la sécurité des hommes et la diminution de la pénibilité du travail. Mais elle doit aussi emporter l’assentiment de tous. C’est le leader qu’est Camille VAILLOT qui est envoyé dans les puits pour convaincre les mineurs de l’intérêt des nouvelles méthodes, comme celle du forage à l’eau.

Mais l’homme de métier n’efface pas le militant communiste. Très vite il perçoit les effets dévastateurs d’une inflation qui ronge les conquêtes salariales de la Libération. Il suit son parti dans la disgrâce de 1947 et se sent totalement solidaire avec “ la patrie des travailleurs ” dans son face à face avec les Etats-Unis.

C’est dans ce contexte dégradé qu’éclatent, à l’automne de 1948, les longues grèves qui, pendant près de deux mois, paralysent la majorité des puits de mines dans un conflit tendu, souvent violent, en plein cœur de la première crise de guerre froide qu’est le blocus de Berlin-Ouest par les troupes soviétiques. Si l’histoire des grèves du bassin minier de Saône-et-Loire reste encore à faire, les témoignages recueillis convergent pour en établir la force, la durée, la violence, et manifestement celui qui depuis 1945 “ se retroussait les manches ” pour produire du charbon ne fut pas le dernier pour “ aller au charbon ” face aux forces de police puis à l’armée envoyée en renfort. Là encore, il s’impose comme véritable chef ouvrier, comme entraîneur de troupes militantes. Cette capacité se retrouve deux ans plus tard lorsqu’il dirige un meeting interdit dénonçant la guerre coloniale en Indochine. C’est pour lui l’occasion de la huitième et dernière arrestation de sa vie militante, ce qui lui vaudra de la part d’un gardien de la prison de Chalon-sur-Saône qui l’a vu passer la porte à plusieurs reprises depuis 1939 la délicate apostrophe : “ tiens voilà un vieux cheval de retour ! ”.

Notes
1.

Entretien 2 juillet 1996.