Henri PERNETTE naît en 1906 à Collonge-en-Charolais, village situé au pied du Mont-Saint-Vincent, horst granitique dominant le bassin minier, aux confins du Charolais et de la Côte chalonnaise. C’est dire que nous sommes là en un lieu de proximité géographique entre un monde rural très républicain et celui de la mine fortement nourri d’anarcho-syndicalisme. Son père, ébéniste, est maire du village. Les événements historiques provoquent la première rupture dans la vie de l’enfant : son père est tué à la guerre en 1916 et sa mère meurt de la grippe espagnole en 1919. Si l’enfant rêvant de revanche envisage un temps de s’engager dans l’armée, le monde des “ vieux républicains des campagnes ” 1 , nourris de pacifisme jauressien dans lequel il baigne a tôt fait d’introduire en lui des convictions antimilitaristes dont il ne départit jamais, convaincu qu’ “ une guerre n’est jamais propre ”, qu’elle “ rend les hommes fous ”. Ce premier nœud de conviction, qui jamais ne le quitta, s’il put se réaliser dans la ligne du PCF des années vingt, le mit inévitablement en porte à faux dans les périodes suivantes.
Envoyé à l’Ecole professionnelle de Chalon-sur-Saône, il ne supporte pas la discipline collective et s’en enfuit, manifestant selon son fils “ des tendances un peu libertaires ”. Il fait alors son apprentissage de menuiserie chez un artisan rural, milieu traditionnellement “ très à gauche ” où ses qualités manuelles peuvent s’exprimer sans qu’il se sente bridé.
Son service militaire où il est envoyé dans la Syrie alors sous mandat français lui fait découvrir pratiquement les effets du colonialisme. A son retour, il “ monte ” à Paris, milite à Suresnes où il découvre un parti qui a “ la science infuse ”. Une expérience qui le marque est la séance d’exclusion , “ pour tendances anarchisantes ”, d’un militant attachant, se défendant “ comme un beau diable ” avec des arguments qui le touchent. Il suit alors la discipline de l’organisation, non sans réticences. Peu séduit par la grande ville, il revient au pays, installe un atelier à Genouilly, tout près de Collonge. Les affaires ne marchent trop bien, tant “ il n’a pas l’esprit commerçant ”, proposant souvent à ses clients de faire le prix de ce qu’ils achètent. Jeune marié, il part alors au Maroc rejoindre un ami économe dans un collège. Son épouse ouvre une épicerie qui ne manifeste pas “ une très grosse rentabilité ”. A l’image de son mari, “ elle en met toujours un peu par-dessus ”. A la suite d’un accident où il est renversé par un taxi, il décide de rentrer en France, en 1935, s’installe à Dijon avec femme et enfants, est embauché chez un fabricant de meubles qui apprécie fort sa dextérité et son talent. Il milite au PCF, “ pas souvent en accord parfait ” et prend des responsabilités dans le syndicat CGT de l’ameublement, ce qui amène au domicile le dirigeant Louis SAILLANT. Les dernières années de paix sont pour le petit André, né en 1933, l’objet de souvenirs d’une grande richesse. Son père, en plus du Parti et de la CGT, milite à France-URSS où il noue des liens d’amitié avec BENAIM important commerçant juif de Dijon, aux multiples liaisons internationales, organisateur du soutien à la République espagnole. André se souvient avec délectation des heurts entre les enfants du Cercle laïque dijonnais, fédérant plusieurs sections sportives et les “ curés ” de la JDA, Jeanne d’Arc de Dijon, guerre des boutons urbaine, sur fond de restes de lutte anticléricale. La main tendue de THOREZ en 1936 n’avait pas encore pénétré partout. C’est dans cette situation que la guerre intervint.
Sans que ce soit un phénomène général, les campagnes de Saône-et-Loire furent précocement marquées par un fort courant républicain et progressiste, dans un département qui envoya à l’assemblée de 1849 cinq députés démocrates-socialistes sur les cinq postes à pourvoir.