3-Rémy BOUTAVENT, instituteur rural, député, en délicatesse avec l’appareil fédéral

3-1-L’enseignant, dans les tempêtes des années 30

Rémy BOUTAVENT naît en 1911 à Saint-Vallier, commune limitrophe de Montceau-les-Mines, de parents instituteurs laïcs. Il passe la majorité de son enfance, de 1914 à 1927, au Creusot, chez ses grands-parents maternels. Ses racines familiales le lient profondément à une région où ruralité et grande industrie vivent en profonde symbiose, y compris dans les généalogies. Ses souvenirs d’enfance sont nourris tout autant du contact avec la nature chez un grand-père paternel oiseleur que du souvenir des batailles homériques 1 livrées aux “ Rouges ” 2 . Ses premiers souvenirs politiques sont ceux des échanges entre un père mutilé de guerre, pacifiste farouche, anticolonialiste et socialisant, et un oncle chrétien progressiste, partisan du personnalisme de MOUNIER. La figure politique de ce père, ferme dans ses convictions mais ayant toujours refusé, par esprit d’indépendance, de s’engager dans un parti et pédagogue apprécié par ses élèves, a manifestement fortement contribué à façonner l’esprit de l’enfant puis adolescent.

Son milieu le porte naturellement, après des études au Cours complémentaire où son père enseigne Mathématiques et Physique-Chimie, à l’Ecole normale d’instituteurs de Mâcon, de 1927 à 1930. Celle-ci avait déjà accueilli son père, avant que deux de ses fils s’y préparent à leur tour à l’enseignement primaire. Dans une école que ses élèves-maîtres appelaient familièrement “ La Roupane ”, du nom de l’uniforme obligatoire, règne déjà un climat de grande liberté intellectuelle que je connaîtrai de 1963 à 1966. Rémy BOUTAVENT baigne alors dans un monde où études, œuvres laïques, théâtre amateur, premier pas dans le syndicalisme, découverte de l’amour sont profondément associés. Sans être organisé formellement, il appartient à un petit groupe se réclamant d’un communisme balançant entre l’attraction “ du ” parti et l’influence de tel ou tel militant trotskyste. C’est l’époque de ce qu’il désigne plus tard, du ton assuré de celui qui a trouvé la vérité, comme son “ antimilitarisme de petit-bourgeois anarchisant ”.

Les années trente sont pour lui celles des premières armes d’enseignant, à Cuiseaux d’abord, puis, à partir de septembre 1934 à Mont-Saint-Vincent, haute terre granitique dominant du haut de ses 602 m d’altitude le bassin industriel de son enfance. L’engagement définitif dans le PCF, l’implication dans les activités du mouvement “ Amsterdam-Pleyel ”, l’aventure des Auberges de jeunesse, l’exaltation du Front populaire, la fondation d’une famille enfin font de ces années une période intense et riche où l’homme se forge. Le début de la décennie a fait de lui un officier de réserve, à la suite du parcours commun à la majorité des normaliens, EOR puis service militaire. C’est donc comme communiste, mobilisable et jeune père de famille, qu’il voit monter les tensions internationales et le danger de guerre que constituent les régimes mussolinien et hitlérien.

Notes
1.

Rémy BOUTAVENT, Mémoire de vie, 1911-1979, Le Cerf, 1992, 352p., p20.

2.

L’appellation n’est en rien politique. Elle désigne les élèves des écoles SCHNEIDER dont l’uniforme comportait un képi à liseré rouge. Ils étaient la cible de ceux de “ la laïque ”. Des gens de ma génération se souviennent qu’il en était encore parfois ainsi il y a une quarantaine d’années.