3-Un bref après-guerre en France

La période qui suit la Libération ne constitue pas un moment saillant de l’histoire de Louis et de Sacha. Comme beaucoup de jeunes résistants communistes, Louis est immédiatement intégré dans multiples organisations, CGT, ARAC, Amis des anciens FFI-FTP. Comme la plupart de ses camarades mineurs du maquis, il reprend le chemin des puits, participant à l’immense effort des “ gueules noires ” pour fournir au pays et ses populations ce qui est encore la source d’énergie majeure. Sacha, après avoir suivi sa scolarité primaire à l’école polonaise, termine une formation de secrétariat et travaille, jusqu’en 1947, pour le Conseil national des Polonais, organisme lié au gouvernement de Varsovie, en assurant la liaison administrative entre les Polonais de Montceau-les-Mines et le consulat. Elle milite dans l’organisation Grünewald, liée au PC polonais, en référence à la victoire de 1410 contre les Chevaliers teutoniques. En 1947, sa famille repart en Pologne où le père meurt l’année suivante, à 49 ans. Pour Louis, la césure qui l’amène à partir est constituée par les grèves de l’automne 1948. Ce conflit brutal, violent, au cœur de la première crise de guerre froide, celle du blocus de Berlin, laisse manifestement chez lui une trace douloureuse. Alors que cet épisode fait l’objet chez la plupart de ses camarades d’une véritable mythification héroïque, mêlant courage et détermination authentiques à la nostalgie oublieuse de l’échec politique que fut cette grève, le discours qu’il tient aujourd’hui connecte deux dimensions, celle d’avoir dû assumer de lourdes responsabilités pour lesquelles il ne se sentait pas fait et celle d’avoir été effrayé par la répression menée contre les “ meneurs ”.

Ce départ pour un pays qu’il ne connaît pas, avec lequel le seul lien matériel est son passeport et la maîtrise de la langue, est entièrement politique. Rien dans son discours ne révèle le moindre lien subjectif avec un pays et un peuple, nulle trace d’une quelconque idéologie du retour. Il part en militant politique convaincu que sa place n’est plus en France et que là-bas, en Pologne, s’ouvre la possibilité de construire une société nouvelle.