V-UN EXEMPLE DE DIFFICULTE : LES RELATIONS MAL CONTROLEES AVEC LES ORGANISATIONS FEMININES

Dans plusieurs départements de la région, le PCF se heurte à des difficultés avec l’organisation dont il a suscité la naissance pendant l’occupation. Liée au FN, se réclamant du programme du CNR et représentée dans de nombreux CDL, cette organisation est cependant statutairement tournée vers “ la défense des intérêts matériels et moraux ” des femmes, la dimension féminine étant presque exclusivement réduite à la fonction maternelle. Le grand mouvement émancipateur des temps de libération porte vers l’UFF un grand nombre de femmes, plus attirées par le syndicalisme des femmes qu’elle incarne que par son arrière-plan politique.

Comme il le met en pratique dans les autres organisations, le PCF tient à placer à des postes de responsabilités des femmes notoirement non communistes, afin d’afficher de façon ostensible le pluralisme revendiqué. Ainsi, en Saône-et-Loire, c’est Mme ROCHAT, mère du sous-préfet de Chalon, qui préside l’association, jouant selon son fils un rôle de “ dame patronnesse de gauche ”. Dans l’Yonne, cette fonction est assumée par Mme Vve SEGUIN, “ d’opinions politiques très modérées ” 1 . Par contre, dans les deux autres départements, ce sont des militantes communistes ou sympathisantes qui dirigent l’UFF. Dans la Nièvre la fonction est assurée par Mme CHAMPENIER, veuve et mère de résistants 2 , mise en avant par un parti jouant délibérément sur la sensibilité aux martyrs. En Côte-d’Or, l’association est dirigée par Simone FAGARD-CLAUDE, épouse du directeur du Travailleur, organe de la Fédération du PCF, propulsée à ce poste à la Libération.

Si en Saône-et-Loire comme dans la Nièvre le dispositif choisi fonctionne sans problèmes particuliers, les deux autres départements voient l’UFF agitée par des crises internes accélérant et amplifiant un déclin général.

Dans un rapport de synthèse 3 intitulé “ Les femmes et le problème politique à la veille des élections ”, adressé en février par le service régional des RG à la Direction de la Sûreté nationale, les RG font état des difficultés internes à l’UFF dans le département de l’Yonne. Il rappelle que dès le congrès du 7 décembre 1944, la trésorière, par ailleurs représentante de l’organisation au CDL, avait été destituée pour “ les nombreuses irrégularités ” constatées dans la comptabilité. Son remplacement au CDL fut alors l’objet de heurts entre la majorité des congressistes, non communistes, et les représentantes du PCF, ces dernières parvenant finalement à imposer leur candidate. Le rapport constate par ailleurs la modestie des aides matérielles réalisées, malgré les objectifs affichés. Ainsi la mobilisation pour “ aller témoigner aux soldats du front la reconnaissance de l’arrière ” ne se solda que par un convoi, le 1er février 1945. Enfin, il perçoit une différence entre les villes où l’UFF “ stagne ”, la “ politique cachée ” étant “ de plus en plus connue ”, et les campagnes, où des adhésions collectives, “ uniquement dans un but social ”, sont observées.

Un problème quasiment similaire se pose à Dijon, où, selon un rapport au commissaire des RG en date du 11 novembre 1944 1 , l’arrivée à la tête de l’organisation de CLAUDE a apporté un “ changement très net ”, cette dernière menant “ une vie dispendieuse ” et ne tenant “ aucune comptabilité sérieuse ”. L’auteur du rapport rapporte des interventions destinées à ‘“ éviter le préjudice ainsi porté à l’esprit et au fonctionnement de l’UFF de même qu’aux familles qui sont en droit d’attendre des secours de cette organisation ”’. Le rapport joint la photocopie d’une pétition venant de résistantes exigeant l’exclusion de CLAUDE, ce qui advint, cette dernière étant remplacée par Claudine CADOUX.

Ces circonstances mettent en lumière la difficulté du PCF, à partir de la Libération, d’assurer fermement le contrôle des nombreuses organisations dont il a suscité la constitution. Cette politique, visant à une présence dans tous les secteurs de la vie sociale et à créer des viviers de futurs militants, lui pose un double problème. Elle multiplie les fonctions dirigeantes et amène à submerger certains jeunes cadres d’une pléthore de titres, ce qui amena d’ailleurs certains à s’éloigner 2 . Elle rend difficile, puis pratiquement impossible, du fait du durcissement du climat politique, la cohabitation avec des femmes “ patriotes ” ou “ démocrates ” qui, sauf lorsqu’elles sont des compagnes de route, sont de moins en moins susceptibles de cautionner les manœuvres d’appareils. Le recul progressif d’activité constaté par les compte rendus policiers, tout au long de la période couverte par cette étude, est le résultat manifeste de ces contradictions.

Notes
1.

Selon une note des RG de Côte-d’Or, AD21 W21440.

2.

Son mari est mort au maquis et son fils, Roland est tombé au front à l’automne 1944. Ces figures héroïques furent très utilisées par le PCF, via Mme Champenier.

3.

AD21 W21440.

1.

AD21 40M249.

2.

Max NEVERS en constitue un exemple éclairant.