PARTIE III
DU MAQUIS A L’ARMEE REGULIERE DES SOLDATS DE L’AN II ?

Le 13 septembre 1944, le général de GAULLE, président du Gouvernement provisoire de la République française, déclare à ses ministres: ‘“ La situation des FFI de 1944 est similaire à celle des bataillons de 1791-1792 vis-à-vis de l’armée de ligne et c’est le même problème qui s’est posé à l’époque. La solution adoptée par CARNOT fut d’amalgamer un bataillon de ligne à deux bataillons de volontaires. On pourrait s’inspirer de cette solution pour constituer les FFI en bataillons de volontaires ”’. La référence historique est quelque peu incertaine quant à la chronologie. Jusqu’en août 1792, CARNOT n’est que député à l’Assemblée Législative et c’est seulement à partir de son entrée au Comité de salut public, en août 1793, alors qu’il est député à la Convention, qu’il s’occupe exclusivement des questions militaires. Il élabore effectivement, pour la mettre en œuvre au cours de l’hiver 1793-1794, assisté de PRIEUR DE LA COTE D’OR, la politique de l’amalgame à laquelle le général de GAULLE se réfère. L’erreur, même s’il n’est pas exclu qu’elle procède des hantises que suscite encore la période en question, ne porte pas sur l’essentiel. Celui-ci gît dans le parallèle historique établi par de GAULLE entre les FFI de la Libération et les volontaires de l’An II et dans la possibilité qu’il ouvre de procéder à une politique similaire d’“ amalgame ”. Le moment n’est pas fortuit : la veille, à Nod-sur-Seine, en Côte d’Or, les mâchoires de la tenaille constituées par des unités de l’Armée de Patton venues du Nord-Ouest et l’avant-garde de l’Armée B arrivant de Dijon s’étaient refermées sur les dernières unités allemandes refluant depuis le Sud-Ouest. Une nouvelle phase de la libération du territoire s’ouvrait avec la perspective d’empêcher l’ennemi de constituer des lignes de défense de la Bourgogne à l’Alsace et d’atteindre au plus vite le Rhin. Parmi les problèmes à prendre en compte figuraient l’épuisement des hommes, en particulier ceux qui avaient accompli la terrible campagne d’Italie, l’impossibilité de maintenir en ligne des troupes africaines inaptes à affronter l’hiver alsacien ou franc-comtois et l’existence d’une masse de plusieurs centaines de milliers de FFI, où les résistants de la première heure côtoyaient de quasi adolescents ralliés en masse aux maquis de la fin 1943 à l’été 1944. L’idée de l’amalgame intègre les besoins en effectifs de l’armée et la crainte de voir la masse des FFI, inoccupés dès lors que la Libération est accomplie, devenir une force incontrôlable.

Mais ce que de GAULLE ne présente que comme une possibilité a déjà trouvé des débuts de réalisation, avant même que celui-ci ne se soit imposé définitivement comme chef unique des forces de libération. La constitution, en Afrique du Nord, sous la houlette du général de LATTRE de TASSIGNY, d’unités intégrant armée d’Afrique, évadés, engagés volontaires et FFL représentait déjà un début de réalisation d’un tel projet et rencontrait déjà tous les défis d’une telle entreprise.

Dans le cadre de cette étude, la question de l’amalgame permet, après en avoir rappelé la genèse, de s’interroger sur la façon, parfois houleuse, dont il se réalisa pour les FFI présents en Bourgogne en septembre 1944, qu’ils soient issus des maquis locaux ou venus de l’extérieur comme le GMSO ou Colonne SCHNEIDER, puis d’envisager les conditions de l’engagement au combat des unités ainsi constituées. Ceci permettra de s’interroger sur l’adéquation de ces réalités au projet initial, comme sur la mémoire de cet épisode majeur dont sont aujourd’hui porteurs les anciens acteurs de cette aventure. L’histoire toute particulière du 4e Bataillon de Choc permettra d’éclairer bien des questions soulevées par cette analyse.