Construire une armée nationale, tâche à laquelle il s’attelle dès sa prise de commandement le 26 décembre 1943, se heurte à une double difficulté : fusionner en Afrique du Nord des forces disparates, séparées par de lourds contentieux, hommes de l’armée d’armistice, FFL, évadés de France, engagés ; mettre cette “ armée nouvelle ” ‘“ en phase avec la France nouvelle qu’enfante la Résistance ”’ ‘ 2 ’. L’armée d’Afrique, qu’il décrit aux cadres du 18eRTS le 19 janvier 1944, comme ‘“ la représentation vivante de tout l’Empire en guerre…d’une exceptionnelle diversité qui recèle toutes les richesses… ”’, doit donc se préparer à entrer en contact avec un pays que certains n’ont jamais connu, que les autres ont quitté depuis longtemps, avec ‘“ des unités constituées en-dehors d’elle, par des cadres en majorité improvisés…selon des méthodes propres et qui ont développé “des vertus révolutionnaires”… ”’ ‘ 3 ’ ‘.’ De ces unités, il manifeste le souci d’en conserver l’originalité. Dans sa lettre à son épouse 4 il affirme sa volonté de ‘“ garder leur particularisme, leur caractère original, leur mystique dans ce qu’elle a de généreux, de pur, d’utilement révolutionnaire… ”’. Il réitère publiquement cette préoccupation dans son entretien avec Le Patriote, à Lyon, le 9 septembre 1944. Rejetant l’hypothèse d’une “ absorption pure et simple ” des FFI par les unités de son armée, il préconise leur intégration “ sans rien changer aux organisations qui les composent ”. Pour lui, ‘“ il est indispensable de conserver leur nom, leur mystique et la fierté de leurs groupements. Leur esprit de corps comporte une telle fraternité qu’il est nécessaire de la conserver ”’. Même si la formule “ sans rien changer ” relève plus d’une intention générale que d’une prise en compte au cas par cas de la situation sur le terrain, reste que la réitération, dans un courrier privé et dans une adresse publique, de sa volonté de conserver l’apport résistant en confirme l’authenticité. La redondance de “ mystique ”, l’insistance mise sur la “ pureté ” de l’acte résistant illustrent une conception de la guerre fort éloignée d’une simple rationalité d’exécution mais l’intègre en profondeur dans la vie d’une nation.
En contrepartie de cet effort, il doit selon lui y avoir une réponse forte. Dans son Histoire de la Ière Armée française, il observe, à propos de “ la jeunesse de France ” et de la guerre qui conditionne son avenir, qu’il “ eût été inadmissible qu’elle fût seule à ne pas (en) porter le poids, alors que sur notre sol même, les jeunesses de notre Empire et du monde anglo-saxon se sacrifiaient généreusement ”.
Cité par le colonel REYNAUD, professeur à l’Ecole de guerre, Actes du colloque L’amalgame organisé les 7 et 8 février 1987 à l’Ecole militaire, édités par la commission d’Histoire de l’association “ Rhin et Danube ”, p. 12-13.
Idem.
Général de LATTRE, op. cit. p.55.