L’amalgame, même si jamais le terme n’est ici prononcé, est donc entièrement présent dans la philosophie de la nation, de l’armée, de la guerre que formule de LATTRE. Il répond à sa double préoccupation : reconstituer une armée authentiquement nationale, représentative de toutes les couches de la population et intégrer sans les dissoudre, les forces et la dimension “ révolutionnaire ” de la Résistance. Ce qu’il réalisa en Afrique relève, selon le colonel REYNAUD, professeur à l’Ecole de Guerre, d’une préparation “ à l’amalgame ” et non “ de l’amalgame ” 1 . Ce dernier, loin d’avoir été préparé techniquement, seules les bases en ayant été jetées, l’a été politiquement, “ au sens clausewitzien du terme ”. Cette préparation était la mise en œuvre des idées du général. Sa note sur le moral des troupes du 24 février 1944 exprime ses préoccupations et intentions : ‘“ Un souci particulier me hante. Je veux que cette armée française qui renaît soit prête à devenir d’emblée l’armée de la France. Il faut donc qu’elle soit par avance en accord, je dirai même en phase avec la France nouvelle qu’enfante la Résistance ”’. Manifestement, les mots sont soigneusement pesés. Les formulations “ d’emblée ” et “ par avance ” expriment fortement son souci de préparer l’outil qu’il forge à être “ en phase ” avec la réalité particulière du fait résistant. Ainsi, il fallait mener de pair une première tâche : brasser, fusionner les éléments disparates dont il disposait, legs complexe d’une histoire difficile marquée par la défaite de 1940 et les ambiguïtés de l’attitude de l’armée d’armistice et préparer cet ensemble à entrer en harmonie avec une France résistante si éloignée des réalités algériennes. Sur ce plan, la réalisation pratique mise en place à partir de début 1943, suite à la conférence d’Anfa, prépare en partie la politique de l’amalgame, à partir de septembre 1944, en France libérée.
Colloque L’amalgame, op. cit. p.14.