2-Des décisions brutales

La réponse du général de LATTRE fut alors duale : brasser et former, y compris en forçant les choses, afin de briser ces barrières, de forger un outil homogène et performant.

Le 2e régiment de Dragons, dont l’histoire recoupe celle de la libération de la Saône-et-Loire avec notamment sa participation décisive bien que tardive à la bataille d’Autun, constitue un exemple éclairant de la façon dont procéda de LATTRE 1 . La reconstitution de ce régiment avait été décidée en l’honneur de l’exploit du capitaine DE NEUCHEZE, arrêté par la Gestapo, détenu à Compiègne, évadé. Il avait alors réussi l’étonnant exploit de transférer l’étendard de ce vieux régiment en Afrique du Nord à bord du sous-marin “ L’Aréthuse ”. Restait à faire du régiment reconstitué sur le papier une unité de l’armée nouvelle. Deux temps majeurs ponctuèrent l’opération. Le premier, datant de fin 1943, fut une réponse à une crise interne frappant les effectifs squelettiques de ce qui n’était encore qu’une virtualité de régiment, avec des cadres évadés de France et des Spahis tunisiens, sans armement et donc sans affectation au combat. Cette situation, dramatique pour des hommes qui avaient traversé l’Espagne et la Méditerranée pour en découdre, provoquait des “ désertions ” vers la 1ere DFL du général BROSSET, auréolée de ses combats en Libye et en Tunisie. Tancé par le général GIRAUD, alors commandant en chef des troupes d’Afrique du Nord, le chef des Français libres trouva une réponse formidable au problème. Comme son prochain transfert en Italie s’accompagnait de dotations en matériel, il proposa simplement au colonel SAUZEY commandant le 2e Dragons de lui fournir ses surplus, pilotés par ceux qui avaient “ déserté ” pour mieux se battre. Vint dans un deuxième temps “ l’aventure de LATTRE ”. Cette aventure fut le résultat de sa décision de briser délibérément une des plus prestigieuses unités de l’armée d’Afrique, le 2e régiment de Spahis algériens, en affectant deux de ses escadrons au 2e Dragons. Pour le bâtonnier BONDOUX, ce “ régiment formidable ”, “ qui avait son unité, son esprit propre, sa mystique … a été véritablement cassé… ”. Ce brassage, vécu comme “ inhumain ” par ceux qui l’ont subi, est conçu par le nouveau commandant comme nécessaire à la fusion de gens aussi disparates. Opère probablement le sentiment qu’il manifesta plus tard, dans sa critique de la note du général JUIN du 29 janvier 1944. A celui qui commande sur le front d’Italie et demande des renforts pris sur les forces dont de LATTRE travaille à faire un instrument pour la libération de la France, ce dernier rappelle 2 , non sans perfidie, qu’il “ est impossible de ne pas se souvenir …qu’alors que les Français combattants n’ont pas cessé la lutte depuis 1940, des officiers ayant de grandes responsabilités n’ont songé qu’après 1942 à “contribuer à l’effort de guerre des Alliés” (référence au souhait de JUIN de voir la contribution à cet effort renforcée en Italie) et cela sans avoir fait preuve au préalable, aux postes où Vichy les avait placés, d’un esprit de résistance réel ”. Si l’allusion vise probablement JUIN en personne, il est difficile de ne pas y voir l’expression des réticences rencontrées lors de son commandement en Tunisie, avant son rappel en France début 1942.

Notes
1.

Bâtonnier BONDOUX, op. cit. p.17-20.

2.

Général de LATTRE, op. cit. p.