1-Deux chefs de maquis de 20 et 23 ans

Les deux premiers présentent bien des points communs, l’âge d’abord : en 1944, ils sont des hommes jeunes ; l’importance de leur commandement au maquis ensuite, chacun a eu plusieurs centaines d’hommes sous sa responsabilité, comme commandant du groupement FTPF Nièvre et Cher pour CHAMPENIER, comme chef du maquis portant son nom pseudonyme pour Jean CHAPELLE, principale formation maquisarde de l’Avallonnais ; leur intégration à l’armée régulière puisqu’ils se retrouvent, chacun à la tête de leur bataillon au sein du 1er Régiment du Morvan.

Contrairement à un trait de la légende constituée à son égard, Roland CHAMPENIER n’est pas élève ingénieur, même si ses qualités intellectuelles lui auraient permis de l’être en temps de paix. Rêvant d’être aviateur, il a intégré en 1939, à 15 ans, l’école technique de Vierzon où il se distingue tant par ses résultats scolaires que par ses performances sportives. La guerre, la défaite, les difficultés matérielles de sa famille l’amènent dès 1941 à abandonner ses études et se faire embaucher comme fraiseur à l’usine aéronautique SNCAC de Fourchambault, ville située en face de son village de Marseilles-les-Aubigny, de l’autre côté de la Loire. Membre des Jeunesses communistes dès avant la guerre, passeur occasionnel de la Loire pour des évadés et de réfugiés, il est rapidement contacté par l’appareil du PCF et se retrouve à 17 ans, fin 1941, désigné responsable des JC du Cher par l’interrégional Georges CARROUE. Ses qualités en font en quelques années le chef d’un des plus importants groupements FTPF de tout le centre de la France.

Jean CHAPELLE est lui un authentique étudiant parisien, à Sciences Politiques. A la tête du principal maquis de l’Avallonnais, il commande à la fin de l’été 1944 près de 2 000 hommes, exerçant sur eux “ un ascendant énorme ” 1 .

Le docteur SCHERRER observe que jusqu’en mars 1945, l’organisation du régiment, dans sa configuration d’origine, fut respectée, avec un seul officier d’active, son commandant, le colonel CHEVRIER n’étant autre que Me SADOUL dans le civil.

Tous ces cadres venus du maquis, la plupart sans autre expérience militaire, ont vécu les difficultés du contact avec des unités de l’armée d’Afrique. Chaque bataillon d’origine FFI est rattaché à une ½ brigade de la 1ère DFL et les hommes doivent subir “ une campagne de débauchage ” opposant la médiocre situation matérielle des compagnies du régiment du Morvan à l’équipement de la DFL, “ les officiers d’occasion ” aux “ vrais officiers ” 2 . L’âge des commandants pose problème. Le Dr SCHERRER rapporte la surprise du commandant DELAGE se voyant confier un bataillon commandé par un homme de 20 ans : “ Il a 20 ans votre commandant, c’est quand même un peu jeune ”, ainsi que sa considération étonnée, après le premier retour des lignes : “ Il n’est pas mal, votre petit commandant, pas mal du tout !”. Mais le véritable amalgame, interne à chaque régiment, restait à venir et il vint lorsque en mars 1945 le 1er régiment du Morvan reprit armes et encadrement du 1er RTA. ‘“ Pour que les officiers d’active du 1er RTA puissent jouer leur rôle, il fallait relever, éliminer des officiers trop jeunes ou inexpérimentés ”’. C’est brutalement que le général de LATTRE s’adressa alors à VERNEUIL : ‘“ Vous êtes trop jeune et vous avez l’air trop jeune. Vous irez à Rouffach faire un stage et vous gardez deux galons ”’. Pour celui qui avait commandé 2 000 hommes, être ramené au niveau d’un chef de compagnie était une catastrophe et selon le Dr SCHERRER, “ il quitta ses hommes et ses cadres et ce fut une cérémonie funèbre ”.

Roland CHAMPENIER (annexe n°34) n’eut pas à subir cette humiliation. Il n’avait pas eu besoin des incitations de représentants nationaux, CAMPHIN et GENET de l’état-major FTP, venus à Nevers inciter à l’engagement, pour être bien décidé à poursuivre le combat. La déportation de ses grands-parents, la mort de son père au combat étaient des motivations suffisantes et il fut l’un des premiers 1 à signer son engagement, avec 500 de ses hommes. Après une période d’entraînement à Is-sur-Tille en Côte-d’Or, ce fut le départ pour le front des Vosges et la mort au combat, le 9 novembre, à Champagney. Son parcours en faisait un être d’exception ; désormais sa figure devenait l’objet d’un véritable culte, savamment orchestré par le PCF.

Notes
1.

Docteur SCHERRER, actes du colloque L’amalgame,op. cit. p.68.

2.

Idem p.69.

1.

Jean-Claude MARTINET, op. cit., p.290.