1-Des cantonnements de fortune

Le regroupement de plusieurs centaines d’hommes, dans des villes dont certaines ont été de plus fortement touchées par les bombardements, pose d’emblée un lourd problème matériel, d’autant plus que d’autres besoins en locaux collectifs sont à assurer, notamment celui des internés de l’épuration. La Résistance avait beaucoup utilisé les châteaux dans les zones libérées, puisque ceux-ci constituaient dans les campagnes les seuls lieux offrant les disponibilités matérielles nécessaires 1 , mais leur éloignement fréquent des axes de communication et les demandes de restitution de la part des propriétaires excluaient leur utilisation pour la suite des événements.

Les solutions trouvées relèvent alors de l’utilisation au coup par coup des disponibilités locales. Les locaux scolaires sont fréquemment réquisitionnés comme à Chalon-sur-Saône où le lycée de jeunes filles Pontus de Thiard, lieu de bonne éducation pour les demoiselles de la bourgeoisie locale, est affecté à des FFI d’une toute autre extraction sociale. Il en est de même de l’Ecole nationale professionnelle, “ la Prof ” pour les gens du lieu, où passent fin septembre plusieurs groupes, dont la 2e compagnie du 8e bataillon FTP de Saône-et-Loire de Lucien DEJARRIGES 2 . L’arrivée de la rentrée scolaire, plus tardive qu’aujourd’hui car il fallait qu’elle laisse les vendanges se faire, amène de nombreuses et insistantes réclamations des instances académiques pour la restitution et la remise en état des locaux scolaires. La compagnie de DEJARRIGES, avant son passage à Chalon, était passée par la caserne Bréard à Mâcon, puis en octobre, cela avait été le regroupement à Bergesserin où le commandant BAZOT organisait les volontaires de son Commando de Cluny. Petit village au sommet des croupes granitiques du Charolais, Bergesserin disposait alors d’un grand bâtiment vide, le sanatorium, dont la construction commencée en 1933, ne s’était achevée qu’en 1939. Les circonstances de la guerre n’avaient donc pas permis son ouverture. Il offrait de ce fait au Commando de Cluny la disponibilité et un cadre matériel adapté au regroupement de plusieurs centaines d’hommes. Le 2e BCP, pour sa part, adopte une solution temporairement praticable et porteuse d’une volonté d’enracinement local. Si le PC et la CCB du bataillon cantonnent à la petite capitale de la Bresse, Louhans, les autres compagnies s’installent en trois chef-lieux de cantons qui couvrent bien l’espace des maquis dont le bataillon est issu : le première à Montpont, la deuxième à Cuisery et la troisième à Mervans. Le seul local de ces villages de dimension modeste apte à accueillir une bonne centaine d’hommes est la salle des fêtes, dès lors transformée en petite caserne.

La plupart de ces lieux sont caractérisés par leur inadaptation à leur fonction provisoire. S’ils offrent à des hommes qui ont vécu l’inconfort matériel du maquis une protection que l’automne très humide de 1944 rend fort appréciable, ils présentent vite dans la durée des difficultés dont la moindre n’est pas la nécessaire restitution à leur fonction d’origine. Les disputes entre autorités civiles et unités FFI intégrées, l’état dans lequel elles furent restituées constituèrent un élément, mineur certes, de la dégradation de l’image des maquisards dans l’opinion. Cette situation se prolongea pratiquement jusqu’à la fin de la guerre. C’est à la fin du mois de mars 1945, à la suite d’une demande de l’inspecteur des Services de l’Enfance de l’Yonne transmise à l’Inspection académique concernant la restitution “ à sa destination naturelle ” de l’école de Seignelay réquisitionnée par la troupe, que le préfet d’Auxerre intervient auprès de la subdivision de l’Yonne pour donner satisfaction à l’Instruction publique 1 .

Notes
1.

Ceci a permis à des historiens locaux peu curieux de gloser sur la “ vie de château ” des EM. Concernant la château de Cruzille pour l’EM FFI, il s’agit plutôt d’un manoir inconfortable. Quant au colonel FTP LE DON, au château de la Rochette, c’est beaucoup plus l’austérité de vie de cet homme de 47 ans dont se souviennent ceux qui l’ont alors côtoyé comme Lucien MONTCHANIN-PHONO (il chantait bien…), chargé des comptes de l’EM FTP. Entretien 21 juillet 1999.

2.

Lucien DEJARRIGES, Le petit peuple, édité à compte d’auteur, 1993, 160p, p.94.

1.

AD 89 1W324.