1- Des retrouvailles émouvantes et prometteuses

Le 8 septembre 1944, en Saône-et-Loire, seule la région d’Autun échappe encore aux troupes libératrices : maquis, Armée B du général de LATTRE de TASSIGNY et VIIe Armée US du général PATCH. Ce jour là, le Régiment de Cluny participe à une prise d’armes suivie d’un défilé à Mâcon, devant le général de LATTRE. Il y assure ‘“ une prestation tout à fait honorable et même d’allure martiale, avec de jeunes commandants en short ”’ ‘ 7 ’. A sa tête, défile son commandant, Laurent BAZOT, calot d’aviateur, ceinture de flanelle en guise de chèche, jumelles au cou. A 44 ans, il pourrait être le père de la plupart de ses hommes, y compris les jeunes officiers comme LOIZILLON ou PROST, fraîchement émoulus de la dernière promotion de Saint-Cyr en 1942. Mâcon a été le lieu de retrouvailles émouvantes entre le général et celui qui, responsable SAP du terrain  Aigle à Pont-de-Vaux, lui assura gîte et couvert puis envol, en octobre 1943. Il s’agit d’Aimé BROYER-MEME, propriétaire d’une entreprise de salaisons à Manziat, village sis sur la rive gauche de la Saône, en face de Mâcon. Avec son sens de la fidélité, le commandant en chef a établi des rapports affectueux avec cet homme à l’embonpoint généreux et au caractère jovial. D’ailleurs, le même jour, le général se rend à Pont-de-Vaux, où les honneurs lui sont rendus par la compagnie de Taizé 2 commandée par le capitaine FRUITIER, officier de réserve, chef d’entreprise parisien arrivé en Saône-et-Loire avec un équipe d’anciens de la campagne de 1939-1940 et de cadres de son entreprise. Selon Victor LOIZILLON, “ l’œil exercé ” du général a perçu, derrière la prestation de la compagnie, les qualités d’une unité proche de celle d’une armée régulière. Du 5 au 7 septembre, une des compagnies du régiment, commandée par le capitaine du CHAFFAUT, ancien saint-cyrien, avait servi d’infanterie d’appoint  au CC1 de la 1ère DB du général du VIGIER, dans les combats pour la libération de Chalon-sur-Saône et les sévères affrontements aux abords de Beaune, où les chars français avaient été rudement arrêtés par un barrage constitué par les redoutables 88mm allemands. La compagnie avait alors reçu les félicitations du général SUDRE, commandant le CC1, pour sa belle tenue 3 . Tout cela ne pouvait que conforter de LATTRE dans l’idée que son projet d’amalgame était non seulement nécessaire mais militairement crédible. Sa conviction qu’il y avait en ce département dont il avait foulé le sol un an plus tôt des forces immédiatement utilisables ne put qu’être renforcée lorsque Claude ROCHAT, après avoir refusé la proposition d’être auprès de lui le représentant des FFI puisqu’il avait auparavant accepté d’être sous-préfet de Chalon-sur-Saône, l’avait assuré qu’au cas où ses anciens maquisards seraient constitués en unité spécifique, sa sous-préfecture en deviendrait la base logistique. Il lui offrait de plus un service social doté de fonds et d’une assistante sociale de 19 ans, sa jeune sœur Chantal ROCHAT-PLUMETTE, ancien agent de liaison et assistante sociale des maquis. De ce fait celle-ci devint la première femme figurant au tableau d’effectifs d’une unité combattante de la future 1ère Armée, avec le grade d’aspirant.

Notes
7.

Victor LOIZILLON, op. cit. p. 21.

2.

Du nom du village proche de Cluny où est installée la compagnie, par souci d’enracinement dans la population. Il est depuis devenu célèbre par l’implantation d’une communauté monastique oecuménique.

3.

Récit de Paul HUOT, op. cit. p. 94-104.