C’est à Mâcon, au cours d’un “ grand rapport ” aux membres de son PC installé à l’hôtel d’Angleterre que Laurent BAZOT annonce, dès le 8 septembre au soir, que le général de LATTRE l’a chargé de la mission de constituer à partir des volontaires du régiment de Cluny un bataillon appelé “ Commando de Cluny ”, avec un effectif d’environ 800 hommes et vocation éventuelle à devenir ultérieurement un commando de choc. Le commando doit rejoindre l’armée régulière sous dix jours. L’appellation “ commando ”, connectée au terroir d’origine, n’est pas pour déplaire à des hommes qui, même s’ils viennent d’ailleurs, s’identifient à l’histoire des maquis de la région de Cluny.
Le projet était très développé puisque les grandes lignes de l’organisation ainsi que la hiérarchie de commandement du commando étaient établies. Le commandement était attribué à BAZOT, avec le grade de commandant. De la même promotion, peu en rapport avec son expérience au combat, bénéficiait Aimé BROYER, à la tête d’une compagnie hors-rang (CHR) regroupant les services. Le service de santé était dirigé par le professeur PONTHUS. Celui-ci, plus jeune professeur agrégé de médecine de France, avait quitté sa chaire de l’Ecole de Médecine de Lyon pour rejoindre dans l’anonymat les maquis de Saône-et-Loire. Alors que ses titres le désignaient pour des fonctions plus importantes, il tint à rester au sein de l’unité combattante qu’était le commando. Initialement, en plus de la CHR, le commando était constitué de trois compagnies, la 1ère commandée par le capitaine du CHAFFAUT, la 2e par le capitaine PROST et la 3e, déjà évoquée, aux ordres du capitaine FRUITIER. Comme il en avait été aux temps du maquis, ces trois compagnies et leurs cadres bénéficièrent d’une large latitude d’initiative au combat, BAZOT constituant surtout le ciment de l’unité et l’interlocuteur avec les échelons supérieurs. Si l’on ajoute aux deux saint-cyriens qu’étaient du CHAFFAUT et PROST, le capitaine LOIZILLON, les lieutenants JACQUET et d’HALLE, trois attachés à l’EM de BAZOT, issus de la même école, c’est d’un encadrement qui connectait tradition militaire et filiation maquisarde dont disposait le commando.
Dès cette étape deux problèmes se posent. L’effectif d’un bataillon est d’environ 800 hommes, soit le tiers de celui du Régiment de Cluny 1 , structure quelque peu informelle, si ce n’est qu’elle est à forte charge d’identification. De fait, c’est le 1er bataillon de Cluny, dit bataillon de Cluny, qui fournit l’essentiel des effectifs. Les volontaires des autres bataillons se virent affectés à d’autres structures et d’autres tâches. D’autre part, se pose la question de la légitimité des décisions annoncées par BAZOT. La Saône-et-Loire, tout du moins sa partie sud, relève de l’autorité de l’EM FFI de Lyon. En même temps, elle est encore, mais pour peu de temps zone de combats, donc soumise à l’autorité du général de LATTRE. A une date, le 10 septembre, où le général DESCOURS qui a le titre de gouverneur militaire de Lyon par intérim signe encore “ Commandant la 1ère Région FFI ” et avant que, le 20 septembre, les commandants de RM soient rétablis par décret, la confusion règne. DESCOURS peut, de son côté, mettre sur pied la Division alpine en reconstituant le 5e RD en partie avec des maquisards de Saône-et-Loire, et de LATTRE du sien donner son aval à la naissance du commando de Cluny. Le jour de parution du décret gouvernemental, les premiers éléments du commando s’ébranlent en direction de Besançon. C’est donc largement une situation de fait, significative de la période, qui préside à la naissance du futur 4e Choc.
Entre temps, les hommes des compagnies du maquis concernées ont été regroupés à Bergesserin, souvent après plusieurs jours de permission 2 .
La compagnie du CHAFFAUD, chargée du contrôle de la route stratégique Mâcon-Charolles que domine le village s’y était installée après le 12 août, après avoir séjourné dans les bois depuis le 6 juin. C’est là que les volontaires signent leur premier engagement. Les trois compagnies de combat initiales sont rejointes par la 4e, constituée par le capitaine LAMIRAL (il ne put échapper au sobriquet de DARLAN ) à partir d’éléments épars de maquis de toute la zone allant du Charolais à l’Autunois. Enfin se posait le problème des hommes d’un maquis du Mâconnais commandé par L. RAVITSKI-FONTAINE, remarqué pour ses exploits, avec dans ses rangs un ancien des Brigades internationales ainsi qu’un ancien de la coloniale. Tous ces hommes manifestaient la volonté de s’engager au commando. S’ajoutait le cas d’un détachement de Soviétiques qui souhaitait se joindre aussi. La solution fut de les regrouper au sein d’une section de reconnaissance, dite Section franche, qui prolongea, au sein d’une armée régulière, la façon d’être des groupes francs.
Pour solde de tout compte, le commando récupéra du maquis une forte structure de services dont une section Auto et Transports constituée de “ mécanos ” de la région qui fit merveille pour rafistoler un matériel de transport disparate et souvent fort fatigué.
Pour ce Commando de Cluny désormais en ordre de marche, Victor LOIZILLON 1 peut insister sur la jeunesse de son effectif, avec une moyenne d’âge de l’ordre de 20-21 ans, sur la dominante locale de son recrutement, même si l’on y trouve des gens du Bugey, de Lyon ou Paris, sur sa diversité sociale, même si les hommes de troupes sont à forte proportion ouvriers et paysans, enfin sur le niveau d’encadrement conforme à celui d’une unité régulière. Henri MONDANGE se réjouit a posteriori de la présence de sous-officiers d’active, anciens de 1939-1940 et qui selon lui contribuèrent en plusieurs occasions à compenser le manque d’expérience d’officiers fraîchement émoulus des écoles militaires 2 .
D’emblée, le Commando de Cluny présente donc de fortes singularités. Il porte fièrement comme devise la proclamation “ Fault pas y craindre ” première proposition d’une formule issue des parlers locaux du Clunysois, suivie par “ Si t’y crains, t’es foutu ”. Les liens affectifs avec le commandant en chef, l’enracinement maquisard, la nature de son encadrement en font un véritable prototype de la politique d’amalgame. Sera-t-il pour autant protégé ou en confirmation de l’appréciation d’Henri MONDANGE citée en exergue, lui sera-t-il beaucoup demandé ? L’histoire de ses combats devant Belfort comme durant la Bataille d’Alsace répond sans la moindre ambiguïté.
Cette appellation, apparue après la bataille du Bois-Clair du 11 août 1944 n’a pas grande signification organisationnelle. Le “ régiment ” regroupe de façon plus ou moins fictive les maquis de la région de Cluny, quelle que soit leur affiliation.
Emile ROSSIGNOL bénéficia d’une “ dizaine de jours ” de “ congé ”. Op. cit. p.9.
Entretien 11 juin 1996.
Entretien 11 décembre 1998.