IV-MEMOIRE ET MYTHE

Le rapport que les acteurs de cette aventure vont établir à l’égard de ce qu’ils ont vécu se décline sous trois formes, leur propre appréhension de ce qu’ils vécurent, la construction d’une mémoire collective, enfin la dimension partiellement mythique de cette mémoire.

1-Un regard plus ou moins distancié

L’appréhension de ce qui fut suppose un regard personnel qui varie d’un individu à un autre. Ceci renvoie d’ailleurs à la question contenue dans le titre du chapitre. Les acteurs ayant écrit sur leur aventure ou encore capables de témoigner se divisent en deux catégories : les premiers s’abstiennent de développer une distance critique avec certains aspects de l’utilisation tactique du Commando puis du Bataillon de Choc. Il en est ainsi d’Albert BARTHELEMY, élève à l’Ecole Normale d’Instituteurs de Mâcon, poète à ses heures, chantre du Commando. Dans une communication 1 faite à l’Académie de Mâcon, héritière de LAMARTINE dont il était alors président, à l’occasion du quarantième anniversaire de la Victoire, le 2 mai 1985, il présenta les épisodes majeurs des combats de façon parfaitement neutre, insistant sur le courage des hommes, sans distance critique à l’égard des manques d’armement ou de choix tactiques discutables.

A l’opposé de cette démarche, Henri MONDANGE, né en 1927, monté au maquis à 17 ans, aujourd’hui membre du bureau de l’Amicale du Bataillon, s’il convient que sur le coup il ne pouvait avoir “ une vue d’ensemble ” 2 au sujet de l’utilisation tactique du Commando, estime aujourd’hui, fort de l’expérience accumulée en Indochine et en Algérie, qu’ils ne furent “ pas traités correctement ” et qu’il est volontiers  “ très méchant ” sur certains points. Il regrette en particulier l’insuffisante articulation entre les différents niveaux de la hiérarchie de bataillon, constate que les jeunes capitaines sortis de Saint-Cyr ne pouvaient, par leur seule bonne volonté, compenser l’absence d’expérience au combat. Par contre il estime que ce fut une grande chance pour son unité de posséder un noyau de sous-officiers forts de leur expérience de 1939-1940, même pour certains de 1914-1918. Victor LOIZILLON partage cette dernière appréciation, tout en insistant sur la dramatique insuffisance ou même absence en liaisons radio et le manque notoire d’armement lourd. Ainsi, le capitaine et futur général PROST dut attendre de commander la compagnie de garde du général pour toucher un mortier de 120mm, son seul souvenir de ce type d’arme remontant à un stage à l’Ecole de Saint-Cyr, avec un engin de 60mm.

Notes
1.

Annales de l’Académie de Mâcon, Tome LXI, 1985, p.83-105.

2.

Entretien 11 décembre 1998.