1-Une situation initiale très différente

L’élan initial qui porta environ 127 000 jeunes français vers l’achèvement du combat libérateur est strictement formulé en termes de libération du territoire et d’achèvement de la défaite du nazisme. Il est tout à fait frappant que ne subsistent que très peu de traces, dans les mémoires comme dans les écrits de l’époque, de débats sur le sens politique de cette intégration des soldats de l’ombre au sein d’une armée régulière. Parce qu’ils étaient censés présenter une certaine cohésion politique et qu’ils étaient soumis au contrôle de l’appareil du PCF, les FTP ne firent pas l’objet d’interpellations sur le sens d’un éventuel engagement ou de son refus. Les quelques manifestations de réticences relèvent plus d’attitudes individuelles que de comportements organisés. En Saône-et-Loire, le colonel FTP Jean RITOUX-LEDON, chef militaire des FTP zone-sud du département, freine le mouvement spontané vers l’engagement parce qu’il estime que les résistants seront confinés dans un rôle de supplétifs des Américains. L’exclusion de ce vieux militant communiste trois mois plus tard rend fort improbable le fait qu’il ait alors agi sur ordre d’un appareil politique qui se méfie de lui. A Nevers, selon le témoignage de Paul MATRIOLET 1 , un bref débat oppose ceux qui, à l’instar de Marcel BARBOT, ex CER FTP, formulent des réticences à ceux qui comme BELHAIRE font tout pour “ pousser les gars à partir ”. Pour MATRIOLET, ce dernier manifeste simplement la hâte de voir le terrain libéré pour ses manœuvres, à l’inverse du premier qui espérait bénéficier de l’appui des jeunes militants pour développer les siennes. Ce témoignage est en cohérence avec l’absence de tout véritable débat politique sur le sens d’un éventuel engagement, sur les tâches politiques à assurer, à la guerre comme sur place. Cet aspect est à son tour homogène avec l’absence de perspective politique autre que celle de jouer le jeu de l’unité nationale derrière de GAULLE qui est alors celle du PCF.

De ce fait, la grande masse des FFI, dont l’âge moyen et l’histoire personnelle faisaient qu’ils étaient sans formation politique, fut largement laissée à elle-même et son choix procéda d’un prolongement de l’engagement résistant patriotique et antinazi, non de perspectives politiques intérieures. Le seul nœud de conviction commun fut donc le patriotisme, suffisant pour les porter à de glorieux exploits au combat, insuffisant pour peser sur le contenu de l’amalgame.

Cette réalité ne pouvait être alors que renforcée par l’absence quasi totale d’autonomie stratégique de l’armée française au sein du dispositif allié. Certes, les épisodes de la libération de Paris, de la défense de Strasbourg et du chassé-croisé d’Ulm étaient susceptibles de flatter la fierté nationale et confirmaient s’il en était besoin les capacités opérationnelles des troupes françaises. Ils n’en constituent pas moins des accrocs mineurs à des choix globaux où le poids du pouvoir français se mesurait à l’aune de bien faibles largesses.

Notes
1.

Entretien 24 février 1999.