2-Un homme abandonné

Les échos suscités par ce procès dans la presse dijonnaise participent de ce qu’il faudra bien appeler l’abandon de PHILIPPOT. Le compte rendu que le quotidien Le Bien public fait le lendemain d’un procès rondement mené, le 7 novembre 1945, organise littéralement l’image de ce que le titre même de l’article désigne comme “ le faux maquisard ” PHILIPPOT. Le texte est péremptoire sur tout ce qui tendrait à accabler le prévenu et feint l’incertitude sur les réalités de la figure résistante qu’il constitue. Les réquisitions deviennent sans le moindre doute des “ actes de brigandage ”, la coïncidence entre la détention de PHILIPPOT en 1944 et l’arrestation de BOCHER père devient un facteur explicatif, donc un élément à charge, au prix d’ailleurs d’une entorse flagrante à la vérité puisque l’article affirme que le fils BOCHER fut déporté avec son père, ce qui ne fut pas. La volonté de CAMP de se désolidariser de ses actions, alors qu’en rien l’accusation ne put apporter le moindre élément de preuve est présentée comme un fait établi, ce qui, compte tenu de la figure héroïque de CAMP ne pouvait que jouer fortement sur le point de vue des lecteurs du journal. Pour crédibiliser définitivement cette construction, l’article insiste sur la “ précision ” de l’interrogatoire, assuré par un procureur dont le passé résistant, pourtant fortement contesté, contribue à renforcer la crédibilité. A l’inverse, tout ce qui pourrait aller en faveur de PHILIPPOT est formulé sur un mode dubitatif, introduisant un doute sur la réalité des faits. Il en est ainsi des “ soit-disant ordres de mission ” reçus des chefs successifs de PHILIPPOT dont la disparition est mise à son débit, suggérant ainsi le caractère incontrôlable du personnage, semant le doute sur le nombre comme la nature des actions menées. L’exécution d’A. BITOUZET est signalée, sans que les rapports de cette dernière avec la Gestapo de Dijon et que les témoignages de soulagement de nombreux témoins habitant Semur-en-Auxois cités par la défense soient indiqués. L’utilisation de formulations allusives comme “ certains maquisards ”, alors qu’il s’agit de gens bien identifiés aux références de grades, de fonctions et de décorations parfaitement incontestables, contribuent à organiser le trouble de la figure résistante du prévenu. Enfin, le comportement même de PHILIPPOT, en particulier ses dénégations sans le moindre souci de justification, est délibérément présenté comme des aveux indirects.

Ainsi est habilement constituée une figure de faux résistant qui ne peut qu’avoir un écho défavorable dans une opinion fortement travaillée par un prurit de pureté résistante. Face aux lenteurs, aux hésitations, aux contradictions et lacunes de l’épuration, il est évidemment aisé de transférer les pulsions purificatrices sur un personnage comme PHILIPPOT.