III-UNE CAMPAGNE DE SOUTIEN TARDIVE

1-Des prémices isolées :

La première manifestation d’une tentative faite pour sortir PHILIPPOT de l’oubli vient de son camarade Victor BOLZAN. Elle consiste en une pétition de caractère strictement local, puisqu’elle n’émane que des seuls habitants de Ravières. C’est en fait à deux reprises, en octobre 1946 et en mars 1947, qu’ils sont appelés à manifester leur soutien. Le texte de 1946, signé par 46 personnes, atteste que PHILIPPOT ‘“ est non seulement un ouvrier habile et consciencieux, mais aussi a été un FFI de la première heure, discipliné et obéissant, toujours prêt à sacrifier sa vie et rendre service à tous ”’. Le second, signé par 84 personnes, dont 28 signataires de 1946, ce qui globalement correspond à 102 signataires, certifie que PHILIPPOT ‘“ est un excellent ouvrier, consciencieux et travailleur ; que, de plus, il est entré un des premiers dans la Résistance et au maquis où il était toujours prêt à obéir à ses chefs et à rendre service à tous ”’. Ces pétitions présentent deux caractéristiques contradictoires : l’aspect massif, à proportion de la population de Ravières, du soutien apporté à PHILIPPOT par son proche voisinage et leur côté extrêmement limité, puisqu’aucune trace de diffusion ni d’élargissement n’a pu être trouvée. Par ailleurs, leur contenu est révélateur des référents de cette population de carriers et de paysans modestes : l’honnêteté dans le travail et le patriotisme. Ce qui est établi ici est moins une réalité pointilleuse de faits ainsi validés que la reconnaissance de l’appartenance de PHILIPPOT à une sorte de fraternité de travail, de voisinage et d’engagement patriotique. Enfin, le fait que ces pétitions n’aient fait l’objet, de la part du PCF et de ses organisations de masse, d’aucun effort de diffusion, alors qu’au même moment, ils mènent campagne pour une poursuite active de l’épuration, notamment contre l’ex-préfet BOURGEOIS, signifie que jusqu’en 1947, le sort des patriotes emprisonnés n’est pas une priorité politique pour un parti engagé dans l’action gouvernementale et dans le parlementarisme.

Les ruptures de 1947, où se connectent fortement les données internationales, dominées par les énoncés politiques successifs de TRUMAN et JDANOV, et nationales, avec la fin du tripartisme, les grèves et l’irruption du RPF sur la scène politique, constituent manifestement l’ouverture d’une nouvelle séquence de l’affaire PHILIPPOT. Chassé du pouvoir, vilipendé pour son engagement dans les grèves de l’automne de 1947, isolé politiquement par son alignement sur la diplomatie soviétique, le PCF est alors à la recherche de thèmes mobilisateurs, où il puisse d’un même mouvement conforter son image résistante, unifier des troupes désemparées par l’ampleur des ruptures opérées au cours de l’année, enfin trouver des alliés sur une question largement déconnectée des enjeux de guerre froide. Cela lui permettrait de reconstituer, fût-ce partiellement, l’unité résistante, afin de rompre son isolement. Là réside probablement l’explication du fossé qui sépare les premières tentatives, personnelles, locales et limitées pour sortir PHILIPPOT de l’oubli et l’ampleur de la campagne qui se met en place au printemps et au cours de l’été de l’année 1948.