4- Témoignages à décharge et plaidoirie

La ligne de défense des témoins à décharge et des avocats de PHILIPPOT reprend les éléments de la campagne menée depuis le printemps 1948. Selon ses propres formules, Me SCHMIDT synthétise, selon le compte rendu analytique de sa plaidoirie produit par le très méticuleux Robert SIMON, les témoignages des camarades de combat de PHILIPPOT, BAILLY, PROUDHON, GRILLOT, BOLZAN, HORTEUR. Sur la matérialité des faits reprochés aux prévenus, la ligne de défense porte sur la “ preuve des ordres donnés ” par CAMP ou tel de ses adjoints comme PALAZZI. CAMP n’étant pas là pour trancher, seuls les raisonnements en termes de probabilités peuvent opérer. L’argumentation se déploie en plusieurs temps : tous les groupes opéraient des réquisitions, selon l’Abbé NOEL ; il y en eut dans le secteur avant la venue de PHILIPPOT comme après son arrestation ; les victimes sont peu crédibles, tant leur passé plaide négativement pour elles ; il n’est pas possible que PHILIPPOT, héros jusqu’en novembre 1943, ait changé du jour au lendemain. En ce dernier temps de la plaidoirie réside un point majeur du débat. Un homme peut-il avoir été, deux ans durant, un authentique résistant et brutalement dériver, flancher ? Inacceptable pour ses amis, l’idée va de soi pour ceux qui l’accusent, mais en effaçant la dimension héroïque. La distance du temps permet aujourd’hui d’envisager la question de façon dépassionnée. Reconnaître que PHILIPPOT a probablement, en compagnie de quelques camarades, dérivé vers un comportement de bande rançonneuse pendant les quelques mois de l’hiver 1943-1944 ne ternit en rien ce qu’il fit avant, n’atténue en rien ce qu’il subit après. Cela soulève toute une série de questions sur ce que fut la réalité maquisarde, radicalement nouvelle, en rupture avec les cadres organisationnels et mentaux hérités, intégrée avec réticence plus que délibérément mise en œuvre (à quelques exceptions malheureuses près comme les grands rassemblements des Glières ou du Vercors), et à propos de laquelle la distinction “ vrai maquis ”/ “ faux maquis ” est au moins fort délicate, sinon illusoire, tant les limites sont floues dans le comportement de ce que Jean-Pierre VERNANT appelle lui-même des “ bandes de hors-la-loi ” 1 , inévitablement hétérogènes aux cadres légaux et moraux existants.

Notes
1.

Formule utilisée lors de l’émission “ Droits d’auteurs ” où il présenta son dernier ouvrage L’univers, les dieux, les hommes.