2- L’attitude de la magistrature

2-1- Le rôle du juge VOISENET

A vingt mois d’intervalle, en avril 1944 et en novembre 1945, PHILIPPOT entend requérir contre lui la peine de mort, et ceci dans la bouche du même magistrat français, le juge VOISENET. Une telle situation, même si elle n’est pas spécifique à la Côte-d’Or pose tout de même problème quant à l’attitude d’un des corps majeurs de l’Etat, avant, pendant et après l’Occupation. En ce qui concerne le juge susnommé, il apparaît qu’il a fait preuve d’une grande constance dans la lutte contre un certain nombre de gens qu’il s’agit d’identifier. Dans son témoignage au Comité PHILIPPOT, (annexe n°63) du 23 juillet 1948, transmis à Robert SIMON, M. POULLEAU, instituteur à Nuits-sous-Ravières, militant communiste, fait état du zèle du juge VOISENET dans la poursuite des militants communistes entre l’interdiction de leur parti et la débâcle de juin 1940, chargé qu’il est de la “ liquidation du Parti communiste ”. Entre autres manifestations de ce zèle, selon POULLEAU, il fait des seuls liens familiaux avec deux frères militants communistes un élément de suspicion de complicité avec le PCF là où il est juge d’instruction, la ville d’Autun, où existe un fort noyau d’ouvriers communistes à la mine et usine de schistes bitumineux de Télots. Le tribunal de Châtillon-sur-Seine puis celui de Dijon voient le juge VOISENET exercer ses fonctions de 1940 à 1945. C’est comme procureur qu’il requiert contre PHILIPPOT en 1944, comme commissaire du gouvernement de la Cour de justice qu’il le fait en 1945, estimant à chaque circonstance que la peine de mort est méritée, pour l’assassinat d’Alice BITOUZET, agent des Allemands par un PHILIPPOT taxé de “ terrorisme ” et pour la dénonciation de l’adjudant résistant BOCHER par le même, devenu “ collaborateur de l’occupant ” et “ faux maquisard ”. Très vite, à Dijon, il est en délicatesse avec les nouvelles autorités, en particulier le CDL. De sa passivité dans l’épuration, témoigne Gabriel LEGEARD (annexe n°64), secrétaire de l’UD-CGT, déporté dès juillet 1942, ayant suivi un douloureux parcours, par Auschwitz, Sachsenhausen, Kochendorf, pour finir à Dachau, après une des marches de la mort. A son retour, il dépose plainte contre son dénonciateur présumé auprès de commissaire de la République VOISENET et voit à son grand dépit l’affaire classée après un non lieu. Il clôt sa lettre à SIMON, le 28 juillet 1948 par un brutal : “ c’est un salaud ”. Concernant l’attitude du CDL, elle apparaît dans les lettres de Maxime COUHIER à SIMON, avant et après le procès de Nancy. De celles-ci, dont les éléments sont repris par son président GUYOT 1 , il ressort que le CDL de Côte-d’Or fit campagne en 1945-1946 contre ce juge, à la fois pour sa passivité dans plusieurs affaires d’épuration mais aussi pour d’obscures histoires de détournement de dossiers, de faux témoignages extorqués, le tout ayant suscité une enquête du ministère de la Justice. Elle aboutit à la mutation d’office dans un tribunal moins prestigieux, celui de Douai, loin cependant de la demande d’éviction de la magistrature demandée par le CDL. L’affaire prit même une dimension nationale puisque le garde des sceaux, interpellé à la Chambre de députés, se crut obligé pour défendre le magistrat de lui construire un passé de “ chef  de maquis ”, ayant combattu “ les armes à la main ”, là où COUHIER ne voit que de tardives tentatives de rapprochement “ de la 11e heure ” (annexe n°65). Guy CHEVALIER témoigne qu’après avoir découvert la présence de l’ex-juge VOISENET en Côte d’Or, il avait tenté de le rencontrer et avait découvert un personnage à la raison très troublée par les ans mais qui continuait à vitupérer contre les communistes. Il ressort donc une double continuité dans son attitude, celle du service de l’Etat, quelque soit sa nature, républicain ou protectorat allemand et celle de la chasse aux militants communistes.

Notes
1.

Claude GUYOT, op. cit.