François FLAMAND 1 , né le 17 mai 1904, est garagiste à Morestel à la veille de la guerre. Officier de réserve, il est, du fait de son âge, “ affecté spécial sans affectation ” et vit douloureusement la dislocation du pays en 1940. Ses pérégrinations l’amènent à Grenoble au printemps de 1942. C’est là qu’il accomplit, avec deux comparses, son premier acte de résistance. La victime est un membre de la LVF, rencontré par hasard dans un restaurant du cours BERIAT. Préalablement enivré et drogué, il est précipité dans le Drac. Le corps est retrouvé, une vaste enquête lancée par la police française. Il quitte la région après perquisition dans sa chambre, un témoin ayant indiqué l’avoir vu converser avec la victime au bar du restaurant.
Lyon ne lui offre qu’un refuge d’un mois puisque, grâce à la complicité d’un membre du personnel de l’usine SFR de Levallois-Perret repliée où il s’est fait embaucher, il échappe au contrôle de “ deux braves bourgeois en chapeau mou, silhouettes bien caractéristiques ”. Utilisant un train de marchandises, il parvient à Ambérieu-en-Bugey pour finalement trouver refuge à Tenay-Hauteville (Bugey) où il installe un magasin de cycles. Par l’entregent d’un fournisseur lyonnais, il entre en contact avec Robert BOITEUX-NICOLA du réseau SOE-BUCKMASTER et constitue un noyau de sédentaires chargé de diverses missions de renseignement et sabotages. L’une de ces actions fait l’objet d’une reconnaissance par la mairie de Tenay (annexe n°68) . Il s’agit de l’envoi des plans de l’usine Schappe de Tenay, unité de production de toiles de parachutes pour la Luftwaffe. Sous les yeux “ éblouis ” de FLAMAND, celle-ci voit ses centres vitaux détruits par le bombardement du 11 décembre 1942 par la RAF. Dénoncé à la suite d’attentats contre les domiciles de collaborateurs de Tenay, pourchassé par la brigade anti-terroriste, il est arrêté le 1er août 1943 et passe le 2 novembre devant la Section spéciale de Lyon qui le condamne aux travaux forcés à perpétuité pour “ activité terroriste, rébellion, détention d’armes, assassinat, association terroriste, complicité ”. Il est alors transféré à la centrale d’Eysses le 11 du même mois. Il est à remarquer que, de la police au service pénitentiaire en passant par la justice, il n’eut alors à faire qu’aux forces de l’Etat vichyste.
A Eysses, il retrouve 1280 autres détenus, avec une forte majorité de détenus politiques, principalement communistes. Se situe alors un épisode qui soulève bien des questions. Selon son témoignage, confirmé par le texte de sa citation à l’ordre du régiment du 21 septembre 1944 (annexe n°69), il s’en évade avec 53 compagnons le 3 janvier 1944, donc avant la grande révolte de la centrale qui se termina par un échec terrible : 12 fusillés, plusieurs centaines de déportés. Or l’histoire de cette révolte reprise par la plupart des ouvrages postérieurs comme vérité établie, ne dit pas un mot de cette première tentative, pourtant parfaitement réussie et dont l’existence me fut confirmée 1 par Claude URMAN, ancien résistant des détachements FTP-MOI Carmagnole-Liberté puis de la 35e Brigade FTP-MOI de Toulouse. Il semble bien que nous soyons là en présence d’une opération d’occultation par une publication 2 issue d’une organisation proche du PCF d’un événement qui lui pose problème, afin de mieux dramatiser la deuxième tentative. Du récit de François FLAMAND ressortent deux éléments majeurs : la grande facilité de circulation des détenus au cours de la journée, les cellules n’étant fermées que le soir, permettant de nombreux contacts et facilitant le travail de noyautage par l’organisation interne du PCF. Celle-ci s’oppose alors à toute idée ou tentative d’évasion venant de ceux qu’elle ne contrôle pas, ceux que FLAMAND appelle les “ gaullistes ”. Le mot d’ordre, en cette fin d’année 1943, est “ on ne s’évade pas ”, situation identique à celle vécue à la même époque par Camille VAILLOT, interné politique à Pithiviers, ce à quoi FLAMAND rétorque : “ le devoir de tout patriote détenu est de s’évader et de reprendre au plus vite le combat ”. Outrepassant les consignes, méprisant les menaces de représailles, il organise donc son évasion avec 53 complices, le 3 janvier 1944. Selon lui, les autres détenus auraient pu s’enfuir alors dans des conditions favorables, mais ils préférèrent obéir à l’organisation interne.
François FLAMAND, après des pérégrinations qui lui permirent de vérifier l’ampleur des solidarités spontanées de la part des populations des régions traversées, revient aux confins du Bugey et du Dauphiné. Sa tête étant mise à prix et très connue dans la région, il utilise alors son ancienne affiliation à Résistance-Fer pour être “ pris en main par les cheminots d’Ambérieu-en-Bugey ” (annexe n°70), importante gare de triage. Un membre de Résistance-Fer qui utilise son travail de mécanicien sur la ligne Ambérieu-Dijon pour assurer des liaisons, l’informe de l’existence à Saint-Bonnet-en-Bresse, village dont la gare est située sur cette ligne, d’un noyau de réfractaires prêts à s’engager dans le combat résistant et lui propose d’en prendre la tête. Après quelques jours de repos dans une ferme et de soins dispensés par le docteur BERRY de Navilly, pour soigner une pleurésie “ traînée depuis quelques temps ”, il prend en main les hommes en question. Commence alors, en février 1944, l’histoire commune de FLAMAND, désormais MARIUS, et de cette zone de la Bresse chalonnaise.
Les éléments biographiques sont issus des entretiens du 17 décembre 1994 et du 2 mars 1996 ainsi que d’un tapuscrit à caractère autobiographique dont il souhaitait la publication. MARIUS est décédé en 1999.
Entretien 4 mai 1997.
Amicale des Résistants Patriotes, emprisonnés à Eysses : Eysses contre Vichy 1940, Ed Tirésias, Michel REYNAUND, 1992.