2-Premiers pas, avant le débarquement

Au cours des quatre mois qui le séparent du débarquement, le groupe MARIUS, qui ne dépasse pas alors huit hommes, pratique un combat axé sur la chasse aux collaborateurs et le soutien armé à d’autres groupes se livrant sur les voies ferrées de la zone, Dijon-Bourg-en-Bresse (vers l’Italie) et Chalon-sur-Saône-Dole, à de nombreux sabotages Le groupe sert de “ voltigeur ”, pour assurer la défense et la protection, le cas échéant, de “ gens qui s’étaient spécialisés dans les déraillements ”.

Ce travail exige, compte tenu de l’absence d’armement, la récupération sur l’adversaire. Ayant choisi le costume et le chapeau mou comme tenue d’intervention, le groupe est rapidement connu pour ses coups et a même droit en avril, à une apostrophe d’HENRIOT, sur les ondes nationales, stigmatisant l’action “ des hommes au chapeau mou ”. L’action la plus spectaculaire est le désarmement, en plein centre de Mervans, d’un groupe de 30 gendarmes mobiles venus protéger une grue destinée à redresser les trains dérayés, par un groupe de sept hommes. Pratiquant le bluff, MARIUS parvient à les convaincre de l’encerclement par 150 hommes. Le groupe renforça ainsi son armement et la nuit suivante, la grue fut détruite.

Ses exploits font que le groupe est rapidement contacté par des réseaux. Par l’intermédiaire de RICHARD-PETIT LOUIS, de Saint-Germain-du-Bois, il entre en contact avec le lieutenant-colonel GROSS-GRAND-PERE, qui depuis Bellevesvre, dirige un noyau du réseau SOE, ainsi qu’avec la capitaine Henri VINCENT-VIC, chef du sous-secteurMUR du Louhannais, responsable de l’AS.

Dès ce moment, MARIUS manifeste de réelles capacités d’entraîneur d’hommes. Sa résolution s’exprime aussi par la conviction que l’adversaire ne mérite pas la moindre pitié. Cette volonté inflexible, bien qu’elle ait contribué à constituer une légende noire de l’homme, apparaît, au moins dans les circonstances du printemps 1944, légitimée par la barbarie de l’occupant et de ses sbires locaux. L’épisode le plus significatif est constitué par l’exécution de deux délateurs de Gergy, près de Chalon-sur-Saône. Du 15 au 22 avril 1944, la police allemande arrête 28 habitants du village, deux sont fusillés, les autres déportés, 17 ne reviennent pas des camps. Son récit, confirmé par le rapport du chef de la brigade de gendarmerie de Verdun-sur-le-Doubs, fait état de l’arrestation d’un couple convaincu de ses liens avec la Gestapo et de la dénonciation des raflés. MARIUS organise un tribunal, constitué de trois habitants du village, de trois de ses hommes et de lui-même. Le verdict est la mort. Faisant de l’exécution un acte exemplaire, MARIUS la réalise ‘“ le lendemain matin, sur la place de Verdun sur le Doubs, en public, ceci conformément aux règlements de l’armée en temps de guerre ”’, non sans avoir prévenu les gendarmes du lieu, déjà en connivence avec la Résistance. Alors qu’il n’est encore à la tête que d’un groupe restreint, MARIUS va déjà au-delà du seul combat contre l’ennemi, dans les formes embryonnaires de justice qu’il met en place, comme dans ses rapports avec les autorités vichystes, ralliant les uns, terrorisant les autres 1 .

Notes
1.

Alors que cette attitude lui fut souvent reprochée, un homme comme le lieutenant-colonel Henri THOMAS, ancien de son maquis, ancien de Rhin et Danube, estime aujourd’hui que c’était une condition nécessaire pour organiser la sécurité du maquis. Entretien du 20 juin 1999.