Ce qui surprend d’emblée dans ce qu’était François FLAMAND avant son récent décès est qu’il apparaissait tel qu’il devait être il y a cinquante ans, carré, volontiers brutal dans ses propos, ne manifestant, contrairement à la majorité des acteurs survivants, pas le moindre souci de réévaluer, à la lumière des séquences politiques, des événements vieux d’un demi-siècle.
Il se percevait comme il se perçut dans le passé, victime de persécutions, lui-même utilisant fréquemment le terme de “ complot ” 1 , où contexte judiciaire, règlements de compte du passé et problèmes conjugaux interviennent dans une grande confusion. Cette conviction, quasiment obsessionnelle, que tout le monde lui en veut s’alimente des confrontations politiques étant intervenues dans l’action résistante comme dans la période suivante. Le nœud de cet aspect est son anticommunisme absolu, se manifestant aujourd’hui encore par l’usage d’un vocabulaire hérité de la guerre froide, le vocable de “ coco ” ou “ communard ” s’appliquant de façon très extensive. Son agressivité s’exerce particulièrement à l’égard de Claude ROCHAT qui, bien que relevant de l’AS est assimilé aux “ cocos ”, du fait des liens qu’il établit après la guerre avec WALDECK ROCHET et du compagnonnage qu’il instaura avec le PCF. Mais cette agressivité s’explique surtout par l’héritage des temps du combat libérateur et du procès de 1948. Ainsi, François FLAMAND se perçoit comme un paria, calomnié par les historiens dont il considère, non sans raison parfois, qu’ils l’ont fort maltraité dans leurs écrits 1 , mal représenté dans les organisations d’anciens résistants. De ce fait, s’il appartient à l’Association des CVR, où son conservatisme politique trouve un terrain favorable, son attachement et son investissement personnel vont surtout à l’Amicale des Anciens de son maquis. Sa volonté tient plus à la défense d’une image selon lui déformée de l’histoire de cette unité que d’une volonté de transmission mémorielle. Indifférent aux nouvelles donnes politiques, convaincu et, d’une certaine façon, ravi d’être resté celui qui effraie, certain, non sans raisons, d’avoir fait son travail de patriote n’ayant de cesse de “ foutre les Boches dehors ”, il constitue une figure désormais rare d’homme ayant traversé les temps difficiles du combat clandestin puis du jugement par ses pairs et, depuis 50 ans, il n’a manifestement rien retranché à ce que furent ses choix, rien effacé de ce que ses supérieurs considérèrent comme des rodomontades, rien regretté d’actes explicables dans un contexte de guerre de maquis mais méritant une approche plus mesurée lorsqu’ils deviennent objet d’histoire.
Tapuscrit, p133.
C’est notamment le cas dans André JEANNET et Marie Hélène VELU, L’occupation et la Résistance en Saône-et-Loire, chez les auteurs, Mâcon, 1991. Cet ouvrage restitue sans la moindre distance la thèse des accusateurs de MARIUS.