1-Mineur devenu maquisard

Il est né en 1899 au sein de ce milieu de paysans mineurs du bassin houiller de Blanzy-Montceau-les-Mines fortement marqué par des affrontements brutaux avec la Compagnie des Mines. Engagé volontaire à la fin du premier conflit mondial, il sert dans l’artillerie lourde et participe à l’occupation de la Rhénanie. A son retour, il reprend le chemin de la mine, adhère à la CGTU et au PCF, noue de solides liens d’amitié avec Antoine TISSIER, de 7 ans son aîné. A la déclaration de guerre, il est affecté spécial.

Dès 1941, il est du petit noyau de militants communistes qui ont traversé sans renoncer la période confuse allant de juin 1940 au 22 juin 1941 et contribue à organiser les FTPF. L’année 1942 est tragique pour le dispositif FTPF du bassin minier, en pleine phase de constitution 1 . Les principaux initiateurs sont victimes de chutes en chaîne, comme Elsof LEROY abattu le 1er juillet par des gendarmes français, Benoît AUBLANC ou Louis DESAUTEL, arrêtés par la police française, livrés aux Allemands, fusillés, Camille VAILLOT interné à Pithiviers, déporté à l’île de Ré. Le 4 juillet, alors qu’il est à son poste au puits des Certeaux, BAR est prévenu par le maître mineur de l’intrusion de gendarmes à sa recherche. Il parvient alors, selon le témoignage de son fils 1 , à fuir à bicyclette. L’histoire locale comme les discours redondants des cérémonies retiennent généralement la thèse qu’il s’est caché dans un calage, au fond de la mine, échappant aux deux gendarmes descendus à sa recherche. Cette divergence trouve probablement sa source dans une opération de diversion de mineurs indiquant une fausse piste aux gendarmes pour permettre à BAR de prendre le large. Pour BAR, c’est la coupure avec tout ce qui constituait sa vie. Pendant plus de deux ans, il vécut sans nouvelle de son épouse, déportée, après avoir été arrêtée au moment où son homme échappait à ses poursuivants. Son fils Aimé, âgé de 12 ans, est emmené à Chalon-sur-Saône et interrogé par des inspecteurs de police français qu’il retrouva non sans surprise après la Libération, chez son grand-père, en train d’effectuer la récupération des armes de guerre. L’enfant est placé pendant un an dans un orphelinat chalonnais, où il retrouve le petit LEROY, fils d’Elsof, âgé de 7 ans, dont la mère est compagne de déportation de madame BAR à Ravensbrück. Alors qu’Antoine BAR venait d’acheter une modeste maison avec l’argent fourni par son travail de mineur et les revenus d’une petite “ locaterie ” 2 de 3-4 hectares, il est désormais errant, allant de cache en cache. La tentative d’arrestation succède à des jours sombres pour la petite poignée de FTP qui agissent dans le bassin minier. Leur chef Elsof LEROY est tombé le 1er sous les balles de la gendarmerie, GRILLE est abattu, probablement par des membres de l’appareil du PCF 3 , enfin W. arrêté, parle, ce qui entraîne d’autres chutes.

Jusqu’à la fin de 1943, BAR quitte la région pour gagner les confins de la Haute-Saône et du Doubs. Les coups qu’il porte, au sein d’unités FTP, comme le sabotage de la centrale électrique de Moûtiers lui valent de voir sa tête mise à prix 25 000 F par le préfet du Doubs, somme doublée après de nouvelles actions. C’est pourquoi il se laisse pousser une longue barbe et adopte ce qui sera désormais le pseudonyme (voir annexe n°82) d’un maquisard à allure de brigand.

Revenu à la fin de 1943, il rejoint le dispositif constitué par Louis BOUSSIN. Ce qui devint après le débarquement le grand maquis Valmy 4 n’est encore constitué que de petits groupes de combattants. Au palmarès du “ groupe BARBU ”, figurent une vingtaine de déraillements, le sabotage d’écluses sur le canal du Centre, l’organisation et la réalisation de la libération de la prison franco-allemande de Chalon-sur-Saône 1 du lieutenant Léon ALLAIN-HECTOR, opération d’une grande audace, réussie sans la moindre perte et la participation aux batailles d’Uchon et d’Autun pendant l’été 1944. Ce qui reste son plus bel exploit est la “ bataille de Génelard ” du 22 août 1944, 13 jours avant l’arrivée des unités débarquées en Provence. Génelard est un gros bourg situé au nord de Paray-le-Monial. Sa garnison allemande est choisie comme cible par le maquis AS de Sylla, sous étroit contrôle de l’officier canadien DARTOIS-MICHEL, relevant du dispositif installé par le SOE en région charolaise et clunysoise. Alors que les unités de ce maquis s’apprêtent à renoncer, après un journée de combats, le groupe BARBU parvient à l’emporter, sans perte, en neutralisant une garnison de 25 hommes. A la réputation d’efficacité née de ces succès, celui qui est désormais connu, souvent craint comme LE BARBU, s’ajoute celle d’un chef sans pitié pour ceux de ses hommes qui salissent l’image du groupe. C’est à ce titre qu’il en a exécuté un qui se prévalait de son nom pour opérer des pillages à son seul profit.

Notes
1.

L’appartenance à un dispositif comme les FTP, en particulier à ses débuts, ne fut pas toujours perçue clairement. Camille VAILLOT, Louis WALCZACK, Elsof LEROY pour son père en témoignent.

1.

Aimé BAR, entretien 8 avril 1998.

2.

Terme local désignant une exploitation agricole en location. Cette pratique était fréquente chez les mineurs.

3.

En convient un homme de l’appareil du PCF après son évasion de camp de prisonnier. Il s’agit de Marcel CHAUVILLE, de Chalon, descendant du général JOUBERT ; il estime nécessaire l’élimination d’hommes trop “ fous-fous ” et incontrôlables. Cela reste une page trouble de l’histoire du PCF.

4.

Il s’agit d’un puissant référent historique et politique. Pour le 150e anniversaire de la bataille, plusieurs actions symboliques eurent lieu sur le bassin minier.

1.

Cette opération, menée de main de maître, sans coup férir, bénéficia de la complicité, à l’intérieur de la prison, du gardien CLAUSTRE.